Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geellkens | L’Arizona, le gouvernement qui n’aimait pas les femmes (comme les précédents)

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

L’ Arizona a tout de suite donné le ton: la parité, il s’en fout. Mais le plus inquiétant, finalement, n’est-il pas que même les gouvernements qui se targuent de défendre les droits des femmes ne font in fine pas grand-chose pour elles?

Une photo vaut parfois mille mots. Au centre, bien sûr, Bart De Wever, tout de bleu vêtu parmi cette volée de costumes sombres. Derrière tous ces vestons foncés, une tache claire: Annelies Verlinden (CD&V), nouvelle ministre de la Justice. Bien visible. A sa gauche, toujours au deuxième rang, voilà Vanessa Matz (Les Engagés, en charge de l’Action et de la Modernisation publiques), déjà plus difficilement devinable. Puis, encore plus à gauche, Anneleen Van Bossuyt (N-VA, Asile et Migration) et Eléonore Simonet (MR, Classes moyennes), reconnaissables par pure déduction, toutes éclipsées par les grosses têtes de leurs homologues masculins.

Voilà, c’est ça, l’Arizona: une vieille bande de mâles (49 ans en moyenne). Onze ministres masculins –tous aussi blancs que leur chemise, évidemment– et à peine quatre femmes. Le nouveau gouvernement fédéral a rapidement gagné son nouveau surnom, le «boys club», d’autant que le kern ne compte aucune vice-Première. «C’est fort peu élégant, en ces temps», a commenté le Premier Bart De Wever, jurant au «hasard» et «oubliant» que la parité n’avait rien d’une polie galanterie, mais relevait avant tout de la plus élémentaire des représentativités électorales. Les hommes du plat pays se sentiraient-ils bien gouvernés si seuls quatre représentants de leur genre siégeaient au gouvernement? Il est sérieusement permis d’en douter –déjà que beaucoup imputent leur médiocrité scolaire à la trop forte féminisation de l’enseignement

Pourtant, le précédent gouvernement De Croo était parfaitement équilibré (et culturellement diversifié), au moment où il avait été constitué, en 2020. Pourtant, il n’y a jamais eu autant de femmes siégeant au sein des entités fédérées, de chaque côté de la frontière linguistique. Mais voilà, là, c’est le fédéraaal (à prononcer avec beaucoup d’emphase sur le «a», comme «cinémaaa», «aaart» ou «Fraaance», pour indiquer la supériorité de la chose ainsi désignée), ça rime avec Graal, il faudrait laisser ce niveau de pouvoir aux mâââles très expérimentés. «Le signe d’un plafond de verre ultrasolide au sommet des institutions fédérales et des partis eux-mêmes», souligne le politologue Jean-Benoit Pilet (ULB).

Le signe, aussi, que «rien n’est jamais définitivement acquis» en matière d’égalité, comme le prédisait Simone de Beauvoir. Sans obligation législative, la parité restera toujours une option. Et Ecolo de désormais proposer de modifier la Constitution pour limiter la présence gouvernementale de personnes du même sexe à maximum deux tiers. Oh, c’est gentil de proposer… après quatre ans de pouvoir sans l’avoir fait voter.

Même un gouvernement se gargarisant de sa «women friendlytude» ne fait in fine pas grand-chose pour celles qu’il se targue de défendre

C’est aussi très mignon, de s’indigner, par exemple du fait que l’Arizona ne mettra pas fin à l’individualisation des droits (source d’importantes discriminations touchant principalement les femmes) alors que Les Engagés l’avaient promis… tout comme le PS et Ecolo avant eux. Une législature, c’est sans doute un peu juste pour faire voter une réforme. Idem pour l’allongement du délai d’avortement, ou encore les inégalités criantes en matière de pension.

Donc, en résumé: même un gouvernement se gargarisant de sa «women friendlytude» ne fait in fine pas grand-chose pour celles qu’il se targue de défendre. Faut pas demander ce que fera un attelage fédéral qui, d’emblée, indique ostentatoirement n’en avoir absolument rien à secouer de la parité.

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