Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Une femme ménopausée est-elle indésirable?

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

La ménopause reste un sujet tabou. Et la disparition des menstruations est souvent assimilée à celle de la féminité, donc de la désirabilité. Un cliché tenace…

Ce n’est guère une maladie, pourtant des dizaines et des dizaines de médicaments la «soignent». Ce n’est pas une spécificité féminine, mais son pendant masculin n’est jamais évoqué (1). Ce n’est point une honte, toutefois nulle ne s’en vante. A tel point que dès qu’une vedette aborde ce tabou, la presse people en fait de gros titres étonnés. «Quand les stars [en] parlent» (Elle), «Ces stars qui brisent le tabou» (Marie Claire), «Ces femmes célèbres que l’on remercie d’[en] parler» (Marie France), «De Sophie Davant à Monica Bellucci, 22 stars qui en parlent» (Paris Match)…

De violences sexuelles dans le cinéma? De l’utilisation abusive de botox? De la fois où elles ont flatulé en public? Non, non. Juste de leur ménopause. Notez qu’en 2014, une vedette qui jouait dans un téléfilm – Corinne Touzet dans Un si joli mensonge, soit l’histoire d’une femme accusée d’avoir menti sur son âge à un compagnon plus jeune qui insistait pour procréer alors que ce n’était pour elle plus envisageable biologiquement – s’était sentie obligée de préciser publiquement: «Que ce soit clair, je ne suis pas ménopausée! [Lire ça dans la presse] était un raccourci assez violent. J’ai vraiment eu l’impression de devenir d’un coup une mamie!»

Alors qu’une Sophie Davant déclare plus tard à la télé: «La ménopause, ça concerne tout le monde» (scoop!), c’est peut-être une petite révolution. Même pour ensuite ajouter qu’«il y a de plus en plus de quinquas, de femmes de 50 ans qui sont incroyablement belles et désirables».

Hum. Sans doute est-il utile de préciser que la ménopause n’entraîne aucun enlaidissement brutal, mais simplement la fin des menstruations ainsi que l’arrêt de la production de certaines hormones, à savoir les œstrogènes et la progestérone qui, sauf erreur, n’influencent en rien la beauté.

Ainsi, la femme qui devrait se sentir soulagée se sent généralement honteuse de cette étape naturelle.

Quant à la désirabilité… Dans son livre Vieille peau (éditions Belfond, 2023), l’autrice Fiona Schmidt remarque à quel point la fertilité féminine est généralement associée au désir sexuel. «La féminité vous tombe dessus sans prévenir et vous lâche de la même façon: brusquement», écrit-elle. Début des règles: bravo, tu es une femme! Comprendre «tu es sexualisable et sexualisée». Fin des règles: salut, tu ne l’es plus.

Ainsi, la femme qui devrait se sentir soulagée de ne plus jamais avoir à acheter de tampons ni souffrir de crampes au ventre et de pouvoir copuler insoucieusement éprouve généralement de la honte concernant cette étape naturelle. D’autant que l’industrie pharmaceutique lui serine qu’elle est «malade» et qu’elle doit forcément «soigner» ces bouffées de chaleur, ces sautes d’humeur et cette sécheresse vaginale (soit les trois «symptômes» les plus souvent mentionnés, bien que seule une femme sur cinq signalerait des troubles affectant sa qualité de vie, selon les données de Institut national de la santé et de la recherche médicale, en France) «La ménopause continue de charrier des fantasmes alarmants ou culpabilisants, que l’on intègre bien avant d’être concernée», dixit Fiona Schmidt.

Qui poursuit: «Assimiler systématiquement et exclusivement la cessation de l’activité reproductrice féminine à des difficultés physiques, psychiques et existentielles, associer l’infertilité des femmes au manque ou à la perte – de féminité, de santé, de capacités physiques, de sens –, tout cela réduit leur identité sociale à la maternité, et les transforme en masse d’individus interchangeables dont l’essence est la fertilité.» La malédiction des ovaires.

(1) Coucou, l’andropause!

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