Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | « Toutes les femmes sont différentes »… Et si c’était plutôt les hommes qui étaient ignorants (quant à la jouissance féminine) ?

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

« Toutes les femmes sont différentes »: voilà une phrase que les hommes aiment répéter concernant la sexualité et la jouissance féminines. Or les femmes sont précisément semblables, c’est-à-dire toutes dotées d’un clitoris. Et si c’était juste les hommes qui ne savaient comment faire ?

C’est une expérience sociale intéressante, à tenter, par exemple, entre le fromage et le dessert lors d’un repas entre amis (débat animé garanti). Elle consiste à lancer la conversation sur le plaisir sexuel féminin, puis à attendre (généralement assez peu longtemps) le premier «oui, mais bon, toutes les femmes sont différentes».

Prononcée à coup sûr par un homme, cette petite phrase est censée clore les discussions. Sous-entendant que le corps de ces dames est de toute façon tellement complexe que leur jouissance relève plus du hasard que des compétences de celui qui essaie de leur en procurer. Alors que cette sentence en dit probablement davantage sur celui qui l’énonce que sur celles qu’elle est censée caractériser. Les «chances» se révèlent en effet élevées que ce monsieur soit un adepte du «va-et-vient après un cunnilingus bâclé», comme le résumait Ovidie, autrice de La Chair est triste hélas (Julliard, 2023), dans une interview accordée au Vif Weekend en juillet dernier. Etant persuadé que la simple introduction de son divin membre dans l’orifice adéquat suffit à provoquer l’extase ; croyance certainement entretenue par ses partenaires précédentes qui, par gentillesse, ignorance ou ennui, ont simulé plutôt que de le détromper.

Toutes les femmes ne sont pas différentes. Il faut juste se donner la peine de les comprendre.

Coucou le «fossé orgasmique», cette réalité statistique: selon un récent sondage du Vif sur la vie sexuelle des Belges, moins de la moitié des femmes jouissent (presque) toujours (48,3%), contre plus de trois quarts des hommes (76,8%). «L’étude Sexpert-studie (NDLR: réalisée en 2013 en Flandre) avait dévoilé que 90% des hommes atteignent toujours l’orgasme, contre 50% des femmes», ajoute la sexologue Françoise Adam (ULiège).

Toutes les femmes sont tellement différentes que Michaël Lenke est devenu millionnaire en comprenant qu’elles étaient en réalité toutes semblables, c’est-à-dire dotées d’un clitoris. En 2013, après avoir lu une étude américaine affirmant que 50% des dames avaient du mal à rejoindre le septième ciel, l’Allemand (73 ans aujourd’hui) a inventé avec son épouse Brigitte Lenke le «Womanizer», sorte d’aspirateur à clitoris, rare sextoy à l’époque à ne pas imiter le phallus. Le couple a depuis reçu des lettres par milliers, signées d’utilisatrices les remerciant d’avoir, grâce à eux, connu la volupté pour la première fois de leur vie.

Toutes les femmes peuvent donc certes avoir des «goûts» différents, mais toutes jouissent de la même manière, soit par stimulation (externe ou, plus rarement, interne) de l’organe dont elles sont pourvues, qui a pour seule fonction de leur permettre de prendre leur pied ; la nature est tout de même bien faite. Mais, évidemment, en touchant leur front ou leur nombril, ça fonctionne forcément moins bien.

Les femmes sont même, en réalité, fort semblables quant à la méconnaissance de leur propre corps. Selon le sondage du Vif, 40% d’entre elles ne se masturbent quasi jamais. Comment (pourquoi) espérer d’un homme qu’il soit davantage expert d’une anatomie qu’il ne possède pas?

Heureusement, certains s’attellent à devenir experts. Christopher (1), 33 ans, a lu Elle d’abord (Marabout, 2011), ouvrage qui explique aux hommes comment faire grimper une femme aux rideaux avant d’éjaculer. Félicien, 32 ans, a demandé des astuces à l’un de ses potes qui se vantait d’être le roi du cunnilingus. Mehdi, 34 ans, a regardé des «tutos porno» où l’actrice montrait comment une femme se donne du plaisir. Toutes les femmes ne sont pas différentes. Il faut juste se donner la peine de les comprendre.

(1) Les prénoms ont été modifiés

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire