Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Se marier avec soi-même : pourquoi la sologamie séduit surtout les femmes
Phénomène marginal mais à la mode, la sologamie est surtout une affaire de femmes. Et ça n’a rien de très étonnant.
Dans la famille des mots en «ie», après la traditionnelle monogamie, l’interdite polygamie, la méconnue polyandrie et leurs aventureuses variantes bigamie ou trigamie, voici désormais la sologamie. Tout est dans le nom: solo (seul), gamie (à union sexuée) ; bref, se marier à soi-même. Bien évidemment, cet engagement envers soi-même ne souffre aucune reconnaissance légale. L’événement se veut exclusivement symbolique et s’avère plus que probablement fort marginal, grossi par une médiatisation en quête de nouveautés constantes.
La sologamie séduit surtout les femmes. L’union maritale serait-elle à ce point décevante?
Mais le phénomène existe, lancé en son temps (2003, tout de même) par Carrie Bradshaw dans la série Sex and the City et popularisé plus récemment par une série de vedettes (Britney Spears, Adriana Lima), artistes (Blanche Gardin) et autres influenceurs (Jeremstar, Cristiane Galêra – qui, pour l’anecdote, divorça deux mois plus tard). Quelques livres ont été écrits, plusieurs podcasts ont surfé sur la vague et, au Canada, une «marieuse» affirme avoir uni plus de 1 500 personnes à elles-mêmes.
La sologamie, de « l’empouvoirement » ?
Des personnes qui seraient, dans leur très grande majorité, des femmes. Tiens, tiens. L’union maritale serait-elle pour elles à ce point décevante? La sologamie serait toutefois moins une revanche sur des années de ramassage de chaussettes sales et d’abaissement exaspéré de la lunette des toilettes qu’une cérémonie d’ «empouvoirement». Soit un moyen de renouer une relation saine avec soi-même et, dans le cas présent, de s’affranchir des injonctions liées au couple et au mariage, en assumant son célibat comme un choix et non une contrainte.
C’est de toute façon une réalité statistique: les femmes peuplant davantage la planète, toutes, forcément, ne trouvent pas chaussure à leur pied. D’autant plus que leur niveau d’éducation est désormais plus élevé que celui de leurs congénères masculins, et qu’elles cherchent des hommes qui leur ressemblent. Exemplaires rares, c’est une réalité numérique. «Donc, qui reste célibataire? résumait la professeure en démographie de la famille Christine Schnor (UCLouvain) dans ces pages, en novembre 2022. Les hommes les moins instruits et les femmes les plus instruites.»
Le célibat au féminin est ainsi non seulement davantage subi que choisi, mais certainement également plus stigmatisant. Le mythe de la vieille fille, aussi moche qu’aigrie, socialement inutile puisque n’ayant pas enfanté. Tandis que le couple (hétérosexuel), lui, s’avère plus usant pour celles qui s’y risquent: charge mentale, tâches ménagères inégalement réparties, temps de loisirs plus limité, paupérisation (en cas de travail à temps partiel)… Sans oublier les risques accrus de violences intrafamiliales. Et pourtant, en bonnes Cendrillon qu’elles ont été éduquées à devenir, la plupart continuent d’attendre leur prince. Aussi peu charmant soit-il. Ou comme l’écrivait Virginie Despentes dans Apocalypse bébé (Grasset, 2010) : «En vérité, vous, femmes hétéros, vous mangez bien de la merde, aussi. On vous répète tellement que c’est bon que vous finissez par faire miam miam, mais vous mangez, putain, vous mangez.»
Peut-être les sologames mangent-elles moins. Mais le fait qu’elles veuillent symboliquement afficher leur affranchissement aux codes sociaux habituels ne révèle-t-il pas, surtout, à quel point ces codes sociaux habituels ont tendance à tellement les abîmer?
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