Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Scandale sexuel à la prison de Lantin : brûlez la « nymphomane » !
En novembre dernier, la presse liégeoise a révélé un « scandale sexuel » à la prison de Lantin. Une gardienne a été jetée en pâture. Son délit: elle serait « nymphomane ». Comprenez: elle ne se conformerait pas à la sexualité que la société lui a assignée. Apparemment, ça mérite une exécution publique.
«Une prison belge, des surveillants et des parties fines. Ce pourrait être le début d’une blague, c’est en réalité un scandale sexuel qui éclabousse la prison de Lantin, près d’Anvers, dans l’est de la Belgique […]» Ou les points cardinaux ont été réorientés en douce, ou les journalistes de BFM TV sont un peu à l’ouest. Mais l’affaire était trop croustillante pour s’encombrer d’exactitudes géographiques: des partouzes dans une prison! Même le très sérieux Monde s’est fendu de quelques lignes sur cette affaire qui, en novembre, a agité la région liégeoise (à côté de Roulers, au sud du pays, donc).
Pour elle, l’ignominie, le déshonneur. Pour eux, l’anonymat et l’indifférence.
Ainsi des agents auraient organisé «des soirées à caractère sexuel», comme l’écrivait Sud Info. Soit un tirage au sort pour déterminer qui coucherait avec qui. L’un des collègues aurait aimablement mis son jacuzzi à disposition, distribuant des bracelets de couleur aux participants, histoire qu’ils n’oublient guère quel était leur partenaire ; l’organisation, le secret d’une orgie réussie.
Le règlement d’ordre intérieur de la prison n’interdit certainement pas l’organisation de bacchanales durant les pauses café. Il n’autorise toutefois probablement pas un chef à prêter son bureau pour que des collègues y assouvissent quelques pulsions durant leur service. Qui/qu’y faisaient-ils ? Une enquête interne est en cours, mais qu’à cela ne tienne, une coupable a déjà été livrée en pâture.
Une gardienne. «Une nymphomane», affirmera «une source préférant rester anonyme». De plus, une élue politique locale. Vite, vite, piquer sa photo de campagne sur Internet, placer un bandeau noir qui cache encore moins qu’un string sur une plage brésilienne et l’exposer bien dégueulassement. Ses dénégations et ses protestations («Ma vie est détruite, les conséquences sont absolument colossales», dira-t-elle à la DH) n’y changeront rien.
Les sept autres agents masculins qui s’emmanchent dans un bain à bulles? Le chef de service qui confond son bureau avec un lupanar? Et alors? D’ailleurs, tout le monde avait oublié qu’ils étaient apparemment là aussi, eux. Comme si cette femme était la seule à avoir (prétendument) copulé sur son lieu de travail.
Comme si cette femme n’avait pas eu le bon goût de se conformer à la sexualité que la société lui a assignée: purement reproductive, strictement classique, profondément chiante. Un petit missionnaire vite fait, hop voici le mâle vidé, bonne nuit chéri. Voilà ce qui est attendu d’une dame respectable! Etre juste un réceptacle.
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Il n’aura fallu qu’un mot, balancé dans un confortable anonymat et sans que la journaliste autrice de cette grande prose ne cherche manifestement à recouper l’ «information». «Nymphomane.» La pire des condamnations. Une femme qui aime (trop) le sexe. Une sorcière à brûler. Publiquement. Des tweets et des articles par centaines qui ont bouté le feu à sa vie privée. «L’image que cela renvoie auprès de mes proches, auprès de mes futurs employeurs et collègues, en réalité de tout qui prendra la peine de se renseigner sur moi. Je n’ai jamais rien fait de ce dont on m’accuse», a-t-elle affirmé dans la DH. Quand bien même l’aurait-elle fait. L’ignominie, la honte, le déshonneur, tout ça pour s’être envoyée en l’air au coin photocopieuse? Mais l’anonymat et l’indifférence pour ceux qui l’y accompagnaient.
Un twitteur professionnel, qui avait relayé l’appartenance politique de la gardienne (on pouvait presque entendre son rire gras en lisant ses 280 caractères), a été interpellé par plusieurs femmes et a finalement retiré sa publication. Dommage que ce soit après avoir contribué à allumer le bûcher.
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