Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Quand Sailor Moon se tape une pieuvre: pourquoi le porno hentai est si populaire

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

And the winner is… le hentai! Pour la quatrième année consécutive, ce style pornographique venu du Japon est, de loin, le mot-clé le plus recherché sur Pornhub. Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter? Les deux, probablement.

Anal? Lesbienne? Milf? Raté, boomers! Si ces trois mots clés font effectivement partie du Top 5 des termes les plus recherchés en 2024 sur Pornhub (dans un ordre de popularité inverse à celui aligné ci-dessus), tous ont été supplantés, pour la quatrième année consécutive, par hentai.

Hen quoi? Pas la peine de jouer les innocents: la tendance s’est apparemment emparée du monde. Ainsi, le Japon aura légué à la culture populaire mondiale le judo, la philosophie zen, les sushis, les ramens (hérités de la cuisine chinoise) et… Sailor Moon se faisant sodomiser par une pieuvre. Ou n’importe quel autre personnage de manga, pratiquant n’importe quel autre acte sexuel avec n’importe quelle autre créature. Mais de préférence tentaculaire, la créature (le monstre aux multiples pseudopodes étant un protagoniste récurrent du genre). Et plutôt subversif, l’acte: si les figures de proue de cet art sont généralement les bakunyu –les femmes aux gros seins–, les lolicon et les shotacon (respectivement des filles et des garçons prépubères) y font également régulièrement une apparition, tout comme les thèmes de l’omora (la vessie pleine) ou encore de l’inceste (pas besoin de traduction). Selon Wikipédia, bien sûr. Et selon ce rapport annuel de Pornhub (une mine d’or), le hentai est aussi populaire chez les hommes que chez les femmes.

Le hentai serait la «moins pire des pornographies», celle qui permettrait d’explorer ses désirs sans exploiter les gens.

Etonnant succès. Ou peut-être pas tant que ça. Selon la chroniqueuse sexo française Maïa Mazaurette, qui a écumé les forums spécialisés, l’émergence de cette filmographie nippone débute en 2017, soit exactement en même temps que MeToo, ce qui ne serait «pas une coïncidence: pour une partie de [ses aficionados], le hentai constitue la « moins pire » des pornographies», écrit-elle dans Le Monde. Celle qui permettrait d’explorer ses désirs sans exploiter les gens. Car avec tous les récents scandales de viols et d’exploitation (affaire French Bukkake, procès Jacquie et Michel…), il faut avoir vécu dans une grotte (ou, plus probablement, n’en avoir rien à secouer) pour continuer à se palucher en toute légèreté d’esprit.

Ce qui est dans le hentai reste dans le virtuel?

Sauf que le réel n’est jamais vraiment hermétique au virtuel. Ainsi, comme des gosses des années 1990 finissaient par jouer à Dragon Ball Z dans la cour de récré après avoir passé le mercredi après-midi devant Club RTL (ceci explique probablement cela), ces gamins devenus grands (moyenne d’âge sur Pornhub: 38 ans) pourraient avoir envie de (visuellement) s’amuser, si pas avec un tentacule, peut-être avec un uniforme lycéen japonais. Au mieux. La catégorie japanese progresse d’ailleurs, dans ce classement 2024 de Pornhub. Celle avec de vrais acteurs, cette fois.

Est-il possible de jouir derrière un écran (principalement entre 23 heures et 1 heure du matin, selon le même rapport annuel) sans déviance, sans nuisance, sans exploitation? Le porno mainstream n’a pas encore résolu cette contradiction. Mais certains utilisateurs et utilisatrices se posent apparemment la question, en témoignent ces tendances de recherche: «authentic sex» + 43%, «respectful sex» + 61%, «ethical porn» + 92%. Le fait que le nombre de femmes surfant sur la plateforme ne fasse qu’augmenter d’année en année (38% en 2024 contre 24% en 2015) n’y est peut-être pas étranger. Simple hypothèse. Pornhub ne précise toutefois pas le volume de ces mots clés (qui, sans surprise, ne se retrouvent pas dans le Top 20 des termes les plus populaires). Or, passer de 0,1% à 0,2%, c’est toujours augmenter de 100%.

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