Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Quand le féminisme crée des problèmes… d’infertilité
Le féminisme crée parfois des problèmes. Comme (indirectement) celui de l’infertilité: les femmes font des bébés trop tard. Les hommes aussi, mais c’est un peu moins grave.
Extrait d’une conversation récente:
Lui: «Pourquoi tu ne veux pas d’enfant?»
Elle: «Ah, parce que… (explications qui ne regardent en rien les lecteurs du Vif, bande de curieux). Puis à 36 ans, bon, de toute façon, ça commence à faire tard.»
Lui: «N’importe quoi! T’as encore tout le temps!»
Elle: «Euh, non. Tu sais qu’au-delà de 35 ans, les médecins appellent ça une “grossesse gériatrique”. L’âge auquel les femmes deviennent mère ne cesse de reculer et c’est l’un des facteurs importants des causes d’infertilité aujourd’hui et…»
Lui (coupant la parole): «Mais pas du tout, j’ai jamais entendu ça ; une copine dirige un service de fertilité, je vais tout de suite l’appeler, je suis sûr qu’elle dira que c’est n’importe quoi. T’es agaçante!»
Si ce charmant monsieur a effectivement appelé son amie, celle-ci n’a pu que lui confirmer que son grossier mansplaining était à côté de la plaque. Les chiffres ne manquent pas pour le contredire. En 2021 (dernières données disponibles sur Statbel), l’âge moyen de la mère pour une première naissance s’élevait à 29,6 ans ; un chiffre qui ne fait qu’augmenter (24,6 ans en 1980). L’indice conjoncturel de fécondité (ICF) décline à nouveau depuis 2011 (1,6 en 2021 contre… 2,71 à son apogée, en 1964). Entre 2009 et 2019, le nombre de cycles de procréation médicalement assistée est passé de 31 736 à 40 774.
Des couples qui, hébétés, apprennent que leur pic de fertilité est depuis longtemps dépassé.
Eh oui, cher malotru: les gens font de moins en moins d’enfants. Et de plus en plus difficilement. En Belgique comme dans presque tous les pays industrialisés, l’infertilité est devenue un problème tellement majeur que «les scénarios les plus pessimistes prévoient une extinction de l’espèce humaine dans un siècle et demi ; deux siècles, pour les plus optimistes», comme le prophétisait Samir Hamamah, chef du service de biologie de la reproduction au CHU de Montpellier dans Le Point, en février 2022.
L’infertilité, indirectement la faute du féminisme
La faute, n’en déplaise à certains balourds, à ces grossesses dites gériatriques. Qui ne sont pas les seules à blâmer. «On peut estimer à 30% la cause maternelle, 30% la cause paternelle, le reste venant de problèmes mixtes ou inexpliqués», avançait au Vif Marine Guisset, gynécologue spécialiste de la fertilité à la clinique Saint-Jean à Bruxelles. Tant chez ces dames que chez ces messieurs, l’âge est un facteur déterminant. «Aujourd’hui, dans la plupart des couples [qui viennent nous voir], les femmes ont 35 ans et plus. Or, [leur] âge est prépondérant: nous voyons beaucoup d’hommes dont le sperme est en zone grise, qui pourraient concevoir un enfant plus facilement si leur partenaire était plus jeune et très fertile», ajoutait Herman Tournaye, chef de service du service de reproduction humaine de l’UZ Brussel.
C’est peut-être difficile à admettre, mais c’est un peu à cause du féminisme, tout ça. Un effet collatéral de l’égalité des genres: étudier, travailler, performer professionnellement… et toujours repousser l’échéance «bébé». Sans se rendre compte – les stars qui enfantent quasi à l’âge de la ménopause n’y aident pas – qu’il faudra alors lutter contre une réalité biologique: le corps reste programmé pré-égalité. La plupart des médecins spécialisés accueillent des couples qui, hébétés, apprennent que leur pic de fertilité est déjà depuis longtemps dépassé. Et qu’ils vont galérer, la science n’offrant de seconde chance que de manière très limitée.
Voilà. Le féminisme a résolu bien des problèmes, mais l’honnêteté impose de reconnaître qu’il a pu en créer d’autres. Et ça, c’est vrai, c’est un peu agaçant.
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