Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Pourquoi les hommes consultent moins les psys (et ce n’est pas parce qu’ils sont plus sains d’esprit)
Plusieurs études l’ont mis en avant: les hommes ont moins tendance à consulter des psys que les femmes. Du coup, c’est souvent à leurs conjointes de prendre soin de leur santé mentale…
84% des psychologues, en Belgique, sont des femmes, selon le rapport annuel de la Commission des psychologues (chiffres 2020). Il y aurait assurément beaucoup à écrire sur cette énorme disproportion (d’autant qu’elle se renforce au fil des ans, puisque ce chiffre s’élevait à 78%, en 2012). Par exemple, quelques digressions autour de ce foutu care, cette injonction au «prendre soin» inculquée aux filles dès le berceau ; certes une belle qualité mais aussi une malédiction, qui les pousse à croire qu’elles doivent s’occuper des petits malheurs du monde, en particulier de ceux des hommes, y compris, donc, en faisant s’allonger des gens sur un divan. Peut-être pour une prochaine chronique.
On inculque aux petits mecs d’être de gros durs, une bonne excuse pour éviter de consulter.
Ces 84% seraient en réalité problématiques pour ces messieurs. Tel était le postulat d’une vieille étude anglaise (2001), No man’s land: men, illness, and the NHS : les cabinets de consultation seraient trop féminins, du secrétariat aux brochures offertes dans les salles d’attente. Ce qui se révélerait «male unfriendly»: les hommes poussent plus difficilement les portes des cabinets psy.
En France, les hommes souffrant de troubles mentaux ont apparemment deux fois moins recours à des soins que les femmes, d’après une étude publiée, en 2018, dans la revue Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology. Un sondage réalisé en 2020 par l’institut YouGov, toujours chez nos voisins, révélait que 35% des femmes avaient déjà entamé une psychothérapie, contre 25% des hommes.
Ces derniers seraient-ils mentalement plus sains? LOL. Bonne blague. Certes, la prévalence de l’anxiété et de la dépression est plus élevée chez les femmes (14,2% et 10,7%) que les hommes (7,9% et 8%), selon la dernière enquête de santé de Sciensano. Mais ce questionnaire, comme tous les autres du genre, est déclaratif, basé sur ce que les répondants veulent bien dire d’eux.
Or, dès le berceau ou presque, on inculque aux petits mecs d’être de gros durs. Surtout ne pas pleurer (tapette!), surtout ne guère se plaindre (mauviette!), surtout éviter de geindre (fillette!). Une fois devenus des adultes pleins de névroses (bah oui, la vie est rude), ces stéréotypes de genre leur servent d’excuses pour éviter de consulter.
«Je ne vois pas en quoi un inconnu pourrait m’aider», «j’ai pas besoin de ça», «je ne suis pas fou», «je ne vais pas déballer ma vie à quelqu’un que je ne connais pas», «je vais me débrouiller tout seul»… Arguments classiques pour ne pas s’allonger sur un canapé.
Ce qui n’est évidemment pas un passage obligé. Sauf que, sur qui repose alors tout leur mal-être? Sur leur femme, bien sûr. Car «tout ce qui assure le bien-être, le maintien de la famille et du foyer revient généralement aux femmes», dixit la philosophe française Sandra Laugier dans Le Monde.
A charge pour elles de subir, d’écouter, de réconforter… et souvent de contraindre. Le-gars-poussé-par-sa-meuf-à-consulter, une espèce très répandue chez les thérapeutes ou dans les groupes de parole. Or, l’ultimatum est rarement le point de départ idéal d’une thérapie. Autant faire souffrir sa conjointe au quotidien et compter sur elle pour prendre en charge ses troubles psychologiques, hein? Tant pis pour sa santé mentale à elle. Décidément, tous les problèmes mènent à ce foutu care…
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