Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Pourquoi les femmes souffrent davantage de solitude
Plusieurs études l’ont mis en évidence: les femmes souffrent davantage d’un sentiment de solitude que les hommes. Mais est-ce, au fond, si surprenant ?
Plus nocive que l’obésité. Plus néfaste que le tabac. La solitude tue. Plus précisément, elle «pèse autant sur l’espérance de vie que fumer quinze cigarettes par jour», pour reprendre les mots de Vivek Murthy, administrateur de la santé publique des Etats-Unis et auteur d’un rapport officiel sur la question. Dans lequel il énonce cette terrible formule: le monde est frappé par une «épidémie de solitude». Pouvant provoquer troubles du sommeil, anxiété, dépressions, consommation d’alcool, de drogues, démence…
Premières victimes de ce pernicieux virus sociétal: les femmes. Non qu’elles soient factuellement davantage isolées que les messieurs («[elles] ont souvent des contacts sociaux plus intenses, qu’elles entretiennent mieux que les hommes [et] beaucoup d’entre elles sont, en quelque sorte, le ciment de leur famille ou de leur cercle d’amis», analysait récemment la gérontologue Els Messelis). Mais elles se «sentent» plus seules.
Une différence de ressenti révélée par plusieurs études. En 2020, l’une d’elles, commandée par la Fondation de France, révélait que 23% des répondantes déclaraient se sentir isolées «tous les jours» ou «souvent», contre 16% des répondants. En 2022, une analyse de l’Institut national français de la statistique (Insee), intitulée «Femmes et hommes: une lente décrue des inégalités», mettait en avant que dès 40 ans et jusqu’à la fin de leur vie, les femmes souffrent davantage d’isolement. La faute au divorce et au veuvage (merci l’espérance de vie plus longue). Mais ce n’est apparemment pas qu’une question de vieilles filles à chats. Un rapport de la Commission européenne, publié en octobre dernier, dévoile que le sentiment de solitude touche 21% des filles chez les 15-29 ans, contre 10% des garçons.
Moins t’as de fric, plus tu restes chez toi.
Etrange que cela commence si jeune. Avant le mec et les gosses, s’entend. Car après, tout vient de là. Dans son ouvrage Un sentiment de solitude (Albin Michel, 2017), la psychothérapeute Monique de Kermadec avance que les femmes, bien que plus diplômées, continuent à massivement investir la sphère familiale (là où leurs homologues masculins prioriseront leur carrière professionnelle).
Or, concentrer leur attention sur leur conjoint et leurs bambins les pousse à bosser plus près de chez elles (histoire d’être à l’heure à la sortie de l’école), à refuser une promotion, à passer à temps partiel… Bref, à se priver de carrières plus rémunératrices. Il ne faut pas être Einstein pour piger la corrélation entre pouvoir d’achat et isolement social. Moins t’as de fric, plus tu restes chez toi.
Le foyer, justement. Le travail domestique «accentue la sensation de retrait du monde social», selon la Fondation de France. Et qui s’y colle, en très grande partie? Une étude de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (2020) démontre qu’elles consacrent, selon le moment de la semaine, environ une heure de plus aux tâches ménagères. Donc, «durant le week-end, les hommes disposent, en moyenne, de plus d’une heure de temps libre que les femmes, et 44 minutes» du lundi au vendredi. Soit autant d’opportunités de socialiser.
Bien sûr, quand tout est rose, que la vie de famille semble belle! Celles qui ne rentrent pas dans ce schéma peuvent alors souffrir d’un sentiment de solitude par manque de conformité au modèle dominant. Puis le jour où tout se casse la gueule (ceci n’est pas une vision pessimiste, mais une réalité statistique), quand le mari n’est plus là et les gosses seulement une semaine sur deux, ne subsiste plus que le sentiment de solitude. Le plus fidèle des compagnons.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici