Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Pourquoi les femmes doutent plus de leurs choix de vote

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Ces dernières élections, comme les autres avant, l’ont confirmé: les femmes doutent davantage que les hommes de leurs choix électoraux. Ce qui serait dû à la fois à un manque d’intérêt pour la politique et à un biais de confiance en soi. Encore une fois.

Pan! «Je suis très intéressée par l’environnement et le droit des femmes.» Elles venaient de se tirer une balle dans le pied. Peut-être ces jeunes candidates tentaient-elles de caresser l’auteure de ces lignes dans le sens du poil féministe, espérant décrocher plus facilement le poste à pourvoir au sein de la rédaction. Mais ce que leurs deux interlocutrices avaient plutôt envie d’entendre, c’était: «J’adore l’économie, le datajournalisme, la politique!» Comme cette ancienne rédactrice en chef avait un jour lancé, durant un entretien d’embauche: «Enfin une journaliste qui ne s’intéresse pas qu’à l’enseignement et à la culture!»

Mais autant chercher le mouton à cinq pattes. Car il est des sujets qui passionnent moins ces dames, à commencer par la chose publique. «Le niveau d’intérêt moyen pour la politique est un peu plus faible chez les femmes», détaille le politologue Jean-Benoit Pilet (ULB). Plus précisément: il existe, parmi elles, moins de personnes très intéressées par le sujet, mais aussi moins de je-m’en-foutistes complètes. Les électrices gonflent généralement le ventre mou des votants.

Celui où se situent les indécis. C’est pourquoi même à quelques jours du mégascrutin du 9 juin dernier, 24% des femmes ne savaient pas encore quelles cases elles cocheraient dans l’isoloir. Contre 14% des hommes. C’était déjà ainsi en 2019. En 2014. En 2002 en France, lors de l’élection présidentielle Chirac-Jospin, selon une étude Ipsos. «On a longtemps pensé que cette indécision était due au fait que les femmes se reconnaissaient moins dans la politique, évoque Jean-Benoit Pilet. Mais vu la féminisation des assemblées (1), cette hypothèse ne tient plus vraiment.»

«Cette indécision serait en partie due à un biais de confiance en soi.»

Alors quoi? Pourquoi? «On constate que sur d’autres thématiques que les choix électoraux, par exemple sur des questions factuelles sur la politique, les femmes ont tendance à être moins sûres d’elles-mêmes, note le politologue. Elles affichent une certitude moins forte par rapport à ce qu’elles répondent. Cette indécision serait donc en partie due à un biais de confiance en soi.»

Encore. Toujours. Il faudrait davantage que quelques lignes pour explorer les raisons de ce manque d’aplomb féminin; plein de gens en ont d’ailleurs tiré plein de livres, et il se constate dans tellement d’autres secteurs que le rappeler devient presque radoter. Mais c’est un fait, et ses racines remontent certainement à l’éducation. Quand papa et maman somment leur gamine de se montrer bien polie, sage, modeste, gentille, discrète, mais encouragent leurs petiots à courir, crier, risquer, bref à occuper l’espace. «Pourquoi les mères encouragent-elles les garçons à faire du bruit alors qu’elles enseignent aux filles à se taire?», pour reprendre l’interrogation de Virginie Despentes dans King Kong Théorie.

Alors voilà, les femmes n’osent pas. Se préoccuper d’autres choses que celles qui sont censées constituer leur sphère d’intérêt. Ce qui devient de plus en plus surprenant, étant donné leur niveau d’instruction grandissant. En 2023, 57,3% des 25-34 ans étaient diplômées de l’enseignement supérieur, contre 42,6% côté masculin. Il va falloir commencer à l’assumer.

(1) La féminisation des assemblées s’est partiellement poursuivie, selon les résultats des élections du 9 juin dernier: 49,3% d’élues au parlement de Wallonie (contre 41,3% en 2019), 47,6% à la Région bruxelloise (contre 43,8% cinq ans plus tôt), mais 42,6% à la Chambre, un pourcentage resté stable (42,7% en 2019).

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