Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Pourquoi les femmes à chat font pitié… contrairement aux hommes

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Un chat, une fille: pitié au rendez-vous. Alors que l’homme à chat, lui, est socialement valorisé, au point de déverser ses selfies poilus sur les réseaux sociaux et les applications de rencontre. Deux chats, deux mesures !

Dislike si tu:

– tartines avec un couteau

– te lèves après 9 heures max le week-end

– es de gauche

– es team chat

– t’endors devant la télé

– n’aimes pas faire à manger

– as un enfant

– n’as pas confiance en toi

– mets ton Insta en bio

– fumes.»

En voilà une belle liste de courses, dans ces grands supermarchés de l’amour que sont les applications de rencontre! L’un des matchs de cet acheteur exigeant a envoyé quelques captures d’écran de leur conversation naissante au (très drôle) compte Instagram «Tinder et ses pépites». Ainsi donc, «les chats, c’est rédhibitoires [sic]. Comme les mélenchonistes», écrit-il. «A priori, on n’est pas compatible.» Quel dommage: la jeune fille a assurément loupé un beau spécimen.

Mais pourquoi tant de haine – ou à tout le moins de mépris – envers les détentrices de félins domestiques? Sans doute par crainte, «derrière la figure fameuse de la “célibataire à chat”, laissée-pour-compte censée être un objet de pitié et de dérision, [de distinguer] l’ombre de la redoutable sorcière d’autrefois, flanquée de son “familier” diabolique», comme l’écrit l’essayiste Mona Chollet dans Sorcières (éditions Zones, 2018), rappelant que ces «créatures» étaient régulièrement brûlées avec leur animal de compagnie, faisant ainsi naître ce cliché de la «vieille fille à chat». Peut-être celle-ci effraie-t-elle, au fond, parce qu’elle «[privilégie] son indépendance à l’espoir d’affection, [sans] se soucier de l’avis de ses “maîtres”», comme le suggère Marie Kock dans son essai Vieille fille (La Découverte, 2022).

Côté masculin, posséder un matou serait synonyme d’une virilité mâtinée de sensibilité.

La pitié réservée aux femmes célibataires – qui plus est cohabitant avec une ou plusieurs boules de poils – dissimule-t-elle une «tentative de conjurer la menace qu’elles représentent» (dixit Mona Chollet)? La question se pose d’autant plus depuis l’émergence de… l’homme à chat, dont les selfies peuplent désormais massivement réseaux sociaux et applications de rencontre, comme l’a récemment souligné une chronique du Monde, postulant que cette figure serait aujourd’hui synonyme d’un «nouvel idéal masculin». A savoir construite «autour de l’attention et du soin», y affirme le sociologue François de Singly, qui ajoute que le modèle du propriétaire canin, longtemps valorisé, serait désormais trop assimilé à l’affirmation d’une autorité malaisante.

Donc, côté masculin, posséder un matou (et photographiquement l’afficher au monde) serait synonyme d’une virilité mâtinée de sensibilité. De mec capable d’assumer des responsabilités (remplir un bol de croquettes, remplacer une litière, autant d’épuisantes tâches) tout en affichant son émotivité, ayant fait fi des stéréotypes de genre. Point du tout d’échec d’une vie sentimentale. «La fille à chat est perçue comme seule et déprimée, alors que l’homme à chat est perçu comme attendrissant et sexy. Sur Tinder, beaucoup d’hommes posent avec leur chat, comme pour montrer qu’ils ne sont pas des prédateurs et qu’ils rejettent les codes de la masculinité toxique», considère, dans Le Monde, la journaliste Nadia Daam, autrice de Comment ne pas devenir une fille à chat. L’art d’être célibataire sans sentir la croquette (Fayard, 2020).

Fort bien, toute déconstruction est bonne à prendre. Mais ce serait encore mieux si la détention d’un minet cessait d’être injustement assimilée à une féminité toxique. Sur ce, Didsy! Vernon! La pâtée est servie!

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