Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Pourquoi le #MeTooGarçons a fait pschitt
Fin février, un acteur français tentait de lancer un #MeTooGarçons. Malgré un tas de témoignages sur les réseaux, le débat sociétal n’a pas pris. Or, de nombreux hommes sont sexuellement agressés… par des hommes. Une réalité qui dérange?
Un beau soufflé, bien retombé. Beaucoup de tweets, quelques articles, mais pas de tempête, pas de raz-de-marée. Le #MeTooGarçons, lancé en février par l’acteur français Aurélien Wiik, a fait pschitt! Bien sûr, certains se sont émus de lire les stories du comédien sur Instagram. «J’avais 11 ans. De mes 11 ans à mes 15 ans, j’ai été abusé par mon agent et d’autres gens de son entourage. J’ai porté plainte à 16 ans […], je l’ai envoyé en prison.»
Evidemment, d’autres mots glaçants se sont ensuite succédé. «J’ai été abusé de mes 3 à 4 ans par un prédateur», «La première fois, j’avais 7 ans. Ça a duré un an», «Quand j’avais 11 ans, mon grand frère m’a demandé de lui faire une fellation», «Le médecin de famille me faisait des attouchements à l’âge de 16 ans», «Cela fait dix ans que j’ai honte de m’être laissé embrasser, toucher et abuser dans ma faiblesse ou ma naïveté», «Mentalement, il me torturait, physiquement, il me tapait, sexuellement, il m’abusait»…
Et puis, plus rien. Pas de cartes blanches enflammées comme pour MeToo ou le «On se lève et on se casse» d’Adèle Haenel. Pas d’interminables débats comme dans l’«affaire» Judith Godrèche ou celle de Depardieu. Pas de mouvement de société comme suite à #balancetonbar. Juste le retour du silence.
Un silence déjà trop saturé de précédents témoignages? Un silence devenu blasé? Un silence gêné de présenter les hommes en victimes, comme un coup de canif dans le contrat de leur masculinité?
Un silence qui assourdit quelques chiffres dérangeants. Cinq pour cent des hommes (contre 16% des femmes) déclarent avoir été victimes d’un viol au cours de leur vie, selon une enquête des universités de Gand et de Liège (la plus récente étude de prévalence réalisée sur ce sujet en Belgique, soit en 2021). Qui souligne également que 48% des hommes âgés de 16 à 69 ans (pour 81% des femmes) auraient vécu des violences sexuelles au cours de leur vie.
La masculinité toxique détruit, tous genres confondus.
Contrairement aux femmes qui subissent des violences sexuelles tout au long de leur existence, «80% des hommes qui sont victimes le sont avant 18 ans, surtout dans l’enfance et l’adolescence», affirme, dans Le Monde, Lucie Wicky, doctorante à l’Institut national d’études démographiques (et seule chercheuse à travailler sur la thématique des violences sexuelles subies par des hommes en France).
Mais dans 98% des cas, ces violences sexuelles sont commises par des hommes (1). La masculinité toxique détruit, tous genres confondus.
Elle détruit, et elle se transmet: certaines études estiment qu’environ un tiers des victimes qui les subissent durant leur enfance finissent par devenir à leur tour bourreaux à l’âge adulte.
En matière de violences sexuelles comme de pédocriminalité, ces bourreaux sont très majoritairement connus de leurs victimes. Dans neuf cas sur dix. Un père, un frère, un papy, un oncle, un ami, un beau-papa… Dérangeante réalité. Tellement qu’on préfère mettre en garde contre un inconnu dans une camionnette blanche, contre un prédateur derrière un écran, jamais contre le pervers qui dort dans la chambre d’à-côté.
Les petites filles, très tôt, sont éduquées à la prudence (tenir son verre en soirée, ne pas rentrer seule, se méfier des ruelles sombres…). Bien moins les petits garçons. Alors qu’il faudrait leur dire: «Méfie-toi, mon fils. Des hommes, surtout de ceux que tu connais. Certains peuvent être pervers. Et surtout, plus tard, ne deviens pas l’un d’eux.»
(1) Statistique issue de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes.
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