Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Pourquoi le féminisme a besoin du cinéma
Il y avait Woodward et Bernstein. Il y a désormais Twohey et Kantor. Elles n’ont pas fait tomber un président empêtré dans un scandale d’espionnage, mais le roi d’une puissante industrie. Elles ont balancé le plus connu des porcs: Harvey Weinstein. Et pas parce que l’une d’elles avait eu le cul bordé de nouilles, assise par le plus grand des hasards dans une salle d’attente avec une mystérieuse gorge profonde. Les témoignages des actrices, des anciennes collaboratrices, des sources confirmant ces faits de viols, d’agressions sexuelles, de harcèlement, elles les ont recueillis sans aucune aide extérieure, juste par leur capacité à surmonter les portes claquées en pleine face.
Pour que l’égalité puisse s’immiscer dans les veines du patriarcat, il faut d’abord qu’elle soit véhiculée par des modèles collectifs.
C’est tout cela que raconte le (passionnant) film de Maria Schrader, She Said (actuellement en salle). Un hommage cinématographique à l’enquête des deux journalistes du New York Times, comme Les Hommes du président il y a 46 ans à ceux du Washington Post. En un demi-siècle, un casting qui change de sexe: si ça, c’est pas le signe d’une progression rampante de l’égalité des genres…
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Parce que qui peut en citer genre dix, des grosses productions où les rôles principaux sont exclusivement féminins? Thelma et Louise, ok, puis…? Des rôles principaux qui ne sont pas des faire-valoir de héros masculins, qui plus est. Ni qui passent nonante minutes à parler de mecs, de shopping, de sexe ou de mioches. Donc, Thelma et Louise, puis…?
Il faut faire le test de Bechdel, toujours instructif. Trois questions:
1. Y a-t-il au moins deux femmes nommées (prénom + nom) dans l’œuvre? (La proportion de protagonistEs dont on ignore l’identité est généralement surprenante.)
2. Ces femmes parlent-elles ensemble? (Car souvent, elles ne parlent qu’à l’homme, les filles entre elles se crêpent le chignon, c’est bien connu.)
3. Parlent-elles d’un sujet sans rapport avec un homme? (cfr mecs, shopping, sexe, mioches.)
Un constat: selon le site bechdeltest.com, 43% des plus de 9 800 films répertoriés ne réussissent pas l’exercice. Une proportion qui diminue d’année en année. Intéressant, ceci, tiens: une étude analysant des longs métrages produits entre 1995 et 2005 montre que 53% échouent lorsqu’ils sont écrits par des hommes, 38% lorsqu’une femme figure parmi les scénaristes et… 0% lorsqu’il n’y a que des scénaristEs.
On s’en fout, c’est de la fiction, pas la réalité? Justement. C’est presque plus important. Parce que pour que la réalité puisse changer, pour que l’égalité puisse s’immiscer dans les veines du patriarcat, il faut d’abord qu’elle soit véhiculée par des modèles collectifs. Des films, des séries, des livres, des chansons, des pièces, des comptes Instagram ou TikTok, tout ça à la fois. Qui montrent des femmes qui font leur job avec une sacrée paire, à la Megan Twohey et Jodi Kantor, d’autant plus dans un univers masculin hostile, comme peuvent l’être le cinéma et le journalisme. Qui popularisent des gars qui font le ménage et s’occupent des gosses comme si c’était la chose la plus naturelle au monde. Qui initient des rapports sexuels plus uniquement phallocentrés (genre la fougueuse scène de fesses debout contre un mur… Qui réussit à faire ça, sérieusement? ). Qui cessent de banaliser les violences envers les femmes. Etc., etc.
L’égalité entre les hommes et les femmes n’a plus (tellement) besoin de nouvelles lois, mais bien d’un changement des mentalités. Qui ne pourra se produire que lorsque ces nouveaux modèles collectifs auront infusé…
SOS mères en détresse
Post-partum, convalescence, solitude… Les premières semaines de parentalité sont souvent loin d’être idylliques, à en croire le dernier «Baromètre des parents» de la Ligue des familles. Selon lequel 62% des mères ont trouvé cette période difficile, principalement par manque de connaissance et de préparation en prévision de ce qu’elles allaient vivre.
150 000
articles passés au crible: les chercheurs de l’Observatoire des pratiques socionumériques n’ont pas chômé pour analyser le traitement médiatique de la science ces vingt dernières années dans trois quotidiens (Le Soir, Le Monde et Le Temps). Leur étude, publiée le 1er décembre, révèle que 75% de ces 150 000 textes comportent des noms propres masculins, incluant sources, politiques, experts, témoins et journalistes eux-mêmes. «Une parole scientifique accaparée par les hommes.» Sans blague.
Question inutile
Le 30 novembre, les Premières ministres Sanna Marin (Finlande) et Jacinda Ardern (Nouvelle-Zélande) se rencontraient pour la première fois, dans le cadre d’une visite officielle. En conférence de presse, un journaliste leur a demandé si la raison de leur entrevue était qu’elles se ressemblaient (même âge, même parcours ; il n’a heureusement pas mentionné leur couleur de cheveux). Réponse de la première: «Nous nous rencontrons parce que nous sommes Premières ministres.» Tacle de la seconde: «Je me demande si quelqu’un a déjà demandé à Barack Obama et à John Key (NLDR: ancien Premier ministre néo-zélandais) s’ils se sont rencontrés parce qu’ils avaient le même âge.»
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