Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Non, Rihanna n’a pas émasculé son chéri

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

La récente cover du magazine Vogue mettant en scène Rihanna et son bébé a été critiquée dans le monde anglo-saxon. Pour avoir « émasculé » son conjoint. Alors que la pratique (très) courante d’infériorisation des femmes ne dérange personne…

C’est parce que cette collègue avait chanté Unfaithful lors d’un karaoké. Le genre de chansons qui reste en tête pour trois semaines. Une petite recherche sur Google pour trouver les paroles a ensuite suffi – merci aux espions d’algorithmes – à inonder un fil Instagram de reels et autres publications sur la chanteuse. Rihanna qui toise Naomi Campbell sur scène quand cette dernière lui demande si elle est défoncée, Rihanna qui danse en combi rouge entourée de dizaines de cosmonautes, Rihanna qui pose avec son mec et son bébé en cover du magazine Vogue UK…

Hé! [Retour en arrière sur le fil d’actualité] C’est quoi, cette dernière image?! La Barbadienne en robe noire, sur une plage, qui considère effrontément l’objectif. Et qui, surtout, tire par la main son chéri (aka le rappeur A$AP Rocky, pour ceux qui ignorent les potins mondains), lui-même portant leur nouveau-né dans ses bras en lui faisant un petit bisou sur la tempe.

Comme quelque chose qui cloche, sur ce cliché. Enfin, plutôt un truc inhabituel. D’abord le fait que Rihanna soit à l’avant-plan et monsieur relégué au second. La star, la cheffe, c’est bien elle. Puis, surtout, elle ne porte pas leur enfant ni ne fait preuve de tendresse ou d’affection. Elle laisse ça au papa.

« Il serait temps d’abandonner ces stéréotypes qui nuisent à notre vision de l’amour. »

Mybetterself

En février dernier, les instagrammeurs Mybetterself et Jules comme César s’étaient amusés à reproduire des clichés de couples célèbres. Genre Nicolas Sarkozy et Carla Bruni à la Une de Paris Match, Charles et Diana à la campagne ou encore Travis Scott et Kylie Jenner en couverture de GQ. Mais en inversant les rôles. Ce n’était plus Carla Bruni (1 m 75) qui posait amoureusement sa tête sur l’épaule de Nicolas Sarkozy (1 m 66), mais le contraire. Charles, lui, était timidement assis sur un muret et s’agrippait au bras de Diana, se tenant fièrement debout. Cette fois, Kylie Jenner était affalée en costume sur une chaise, en mode «wesh», tandis que Travis Scott chevauchait sa jambe à moitié nu.

Et tout ça faisait un peu… bizarre. Comme incohérent. Inadapté. Démont(r)ant par l’absurde la force de ces stéréotypes de genre: l’homme protecteur et la femme soumise, l’homme assuré et la femme réservée, l’homme proxénète et la femme salope… Diffusés à des milliers d’exemplaires, sur des millions de pages Web. «Ce que l’on voit a un impact direct sur nos représentations et nos attentes, il serait temps d’abandonner ces stéréotypes qui nuisent à notre vision de l’amour», plaidait alors Mybetterself.

Pareil pour la vision de la parentalité, en fait, avec toutes ces photos surmédiatisées des royal babies. Le tout frais marmot trône toujours dans les bras de Diana, pas de Charles ; de Kate, pas de William ; de Mathilde, pas de Philippe. Le roi règne (et daigne de temps en temps tendre un doigt vers l’emmitouflé mouflet), la reine pouponne. Et leurs sujets les imitent, inconsciemment imprégnés de cette construction sociale genrée.

Alors, souveraine Rihanna. Avec sa chanson qui relate l’infidélité au féminin, ou celle qui raconte comment elle a tué un homme, elle a décloisonné des «prérogatives» habituellement masculines. Pendant sa grossesse passée en tenues minimalistes à paillettes, elle a encouragé une réflexion sur la sacralisation du corps d’une femme enceinte. Puis avec cette cover, elle offre une autre représentation du couple et de la maternité. Please, don’t stop that music.

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