Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Mesdames, pour être heureuses au lit, mieux vaudrait opter pour le socialisme

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

« Le capitalisme est mauvais pour les femmes », selon l’autrice américaine Kristen Ghodsee. Y compris au niveau sexuel: selon elle, pour être épanouies au lit, les femmes devraient s’en remettre au socialisme. Explications.

«C’était vraiment exaspérant que les femmes d’Allemagne de l’Est aient tellement confiance en elles sur le plan sexuel et qu’elles soient indépendantes économiquement. L’argent n’avait aucun pouvoir sur elles, se plaignaient-ils.» «Ils», soit les hommes d’ex-Allemagne de l’Est, avec qui l’historienne Dagmar Herzog s’était entretenue en 2006. Ces «ils» lui avaient raconté leur vie intime, avant et après la chute du mur. Et, à cet égard, à quel point ils étaient ravis que les briques soient tombées: ils avaient retrouvé leur pouvoir économique, impliquant la capacité d’«acheter» les faveurs d’une femme.

L’anecdote historique figure en bonne place dans l’ouvrage de Kristen Ghodsee, autrice et professeure à l’université de Pennsylvanie, Pourquoi les femmes ont une meilleure vie sexuelle sous le socialisme (Lux Editeur, 2020), qui sortira en format poche le 1er mars prochain. Sous-titre: Plaidoyer pour l’indépendance économique. Qui ne serait pas seulement bénéfique en matière de pouvoir d’achat, de sécurité financière et de liberté de choix. Mais aussi sous les draps.

«Le capitalisme est mauvais pour les femmes, et celles-ci ont tout intérêt à ce que nous reprenions certaines idées du socialisme [qui], oui, contribue à une sexualité plus épanouie», écrit-elle ; prenant bien soin d’énumérer les méfaits historiques du socialisme, souvent cruel à l’égard des camarades féminines (interdiction de l’avortement, répression de l’homosexualité, tabou en matière de violences sexuelles, non- répartition des tâches ménagères…). Mais qui avait le mérite de les mettre, financièrement, sur un pied d’égalité avec les hommes.

Pour Kristen Ghodsee, ça change tout, y compris au lit. Car cela permet le «découplage entre, d’un côté, l’amour et l’intimité, et de l’autre, les considérations économiques. […] Les femmes n’ont plus besoin d’entretenir des relations abusives, insatisfaisantes ou autrement nocives.» De la prostitution au mariage avec «un bon parti» (comprendre: un type qui gagne assez pour entretenir madame), en passant par les coucheries tout à fait dispensables mais acceptées «parce qu’il avait payé le resto».

En d’autres termes: «Plus elles ont de possibilités de gagner de l’argent, moins elles ont besoin de vendre leur sexe, et plus elles sont susceptibles d’avoir des relations sexuelles pour le plaisir», et, par conséquent, de choisir un partenaire parce qu’elles le veulent, non parce qu’elles le doivent. Et ainsi coucher par envie, non plus par contrainte. Ce qui devrait ravir leurs partenaires. Hélas! Ceux-ci s’en retrouvent tout perturbés, nostalgiques, voire aigris. Car en d’autres termes encore: quand ces dames «gagnent elles-mêmes leur vie dans des sociétés où l’Etat favorise leur indépendance, le prince charmant devient nettement moins attirant».

Ouais, le gars qui débarque avec son gros bolide (et qui se sent obligé de se photographier dedans), belle montre au poignet, lunettes de soleil siglées, autant de signes semblant hurler «Choisis-moi, j’ai du fric!». Les «techniques de séduction du mâle alpha», dixit Kristen Ghodsee.

Celui-ci se retrouve alors fort dépourvu, une fois l’égalité financière advenue. Dépossédé de son pouvoir économique, tel un roi désormais nu, devant tabler sur d’autres attributs, non plus liés à ses avoirs, mais à sa personnalité. Bref, contraint de devenir «intéressant». Ce qui n’est clairement pas donné à tout le monde.

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