Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Les femmes ne votent pas pour des femmes. Et c’est bien dommage
Les têtes de listes, pour le prochain scrutin, sont largement masculines. Ce qui ne changera pas tant qu’une loi n’imposera pas des quotas. Mais pour améliorer la parité dans les assemblées, une autre solution existe: que les femmes votent… pour des femmes.
Parfois, il est impossible de déterminer si le verre est à moitié vide ou à moitié plein. 33,9% de têtes de liste féminines (tous niveaux de pouvoir confondus) pour les élections du 9 juin prochain: verre à moitié vide. Mais c’est un peu mieux qu’en 2019: verre à moitié plein. Et puis certains partis ont vraiment fait des efforts: le PS a doublé leur nombre (de trois à six, sur 19), tout comme le MR et le PTB (de cinq à sept), tandis qu’Ecolo est resté stable (et meilleur élève, avec un 9 sur 19). Ah, il est bien, le godet, là! Sauf que Les Engagés et DéFI reculent méchamment (de six à respectivement quatre et… deux). Il fait soif de parité, ici.
Voilà exactement ce qui arrive quand les formations politiques agissent d’elles-mêmes en la matière: rien. Ou presque. Avant que les premiers quotas ne soient imposés sur les listes électorales, certains avaient estimé que l’égalité de représentativité entre candidats et candidates ne serait pas atteinte avant… l’an 2350.
A chaque fois qu’une nouvelle règle égalitaire leur a été imposée, la plupart des partis ont traîné la patte. A chaque fois. Un tiers de femmes sur les listes (1994)? Elles se concentraient dans le ventre mou, là où les chances de siéger sont aussi faibles que celles de la N-VA en Wallonie. Alors il a fallu la loi de 2002, imposant le «moitié-moitié». Et quand, en 2018, la Wallonie a instauré la tirette (aussi surnommée «système chabada-bada»), le fédéral ne l’a jamais suivie. Seuls certaines formations l’appliquent spontanément. Autant dire que la parité en haut des listes électorales ne se produira naturellement qu’en 2350.
La proportion d’élues au sein des parlements livre peut-être bien des indications sur le degré de féminisme au sein de la société.
Lent, lent, lent, lent. Trop lent. Pourtant, trop important. A cause de cette dizaine de pour cent qui continue à séparer la réalité sociétale (51% de femmes au sein de la population) de celle des parlements (42,7% à la Chambre et en Flandre, 41,3% en Wallonie et 43,8% à Bruxelles). Bon, le verre à moitié plein: en 1995, ne siégeaient au fédéral que 12% de députées, et même – hum – 8% à la Région wallonne.
En fait, l’évolution des chiffres au fil des ans démontre assez limpidement que seules de nouvelles règles ont fait substantiellement avancer la diversité au sein des assemblées. Quels élus oseront voter, demain, une nouvelle loi imposant que 50% des têtes de listes soient féminines?
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Sinon, il y a une autre solution. C’est tout con. Chaque femme vote, le 9 juin, pour une femme, et hop, c’est plié, le manque de parité dans les parlements, c’est fini merci au revoir. Aussi simple qu’un bulletin à glisser dans une urne. Sauf que nombre d’électrices, toutes imprégnées de stéréotypes de genre (se résumant à «les hommes sont davantage compétents pour les choses importantes», merde ça fait mal de l’écrire, celle-là), votent rarement uniquement pour les femmes. Une étude réalisée en 2014 par le politologue Jean-Benoît Pilet (ULB) avait démontré – comme d’autres avant elle – que les hommes accordaient leurs faveurs électorales à des hommes, sans surprise. Tandis que les femmes votaient «panaché»: un peu pour eux, un peu pour elles. Le vote 100% féminin revendicatif était rare.
La proportion de femmes au sein d’un parti politiques donne sans conteste une indication sur son électorat. La proportion d’élues au sein des parlements livre peut-être bien, pour sa part, des indications sur le degré de féminisme au sein de la société. Après le 9 juin, ce verre sera-t-il à moitié vide, ou à moitié plein?
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