Sacrée paire les couples
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La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Les couples ne font-ils vraiment plus d’effort?

Mélanie Geelkens
Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

L’épidémie de divorces se poursuit. Est-ce vraiment parce que «les gens ne font plus d’effort» pour éviter la séparation, comme on l’entend souvent? C’est surtout qu’avait, les couples avaient moins le choix.

À quoi reconnaît-on qu’on devient un vieux con? Selon une étude extrêmement récente, réalisée auprès d’un échantillon représentatif d’une personne et présentant une marge d’erreur de 100%, le premier signe avant-coureur consiste à se mettre à prononcer la phrase «c’était mieux avant».

Une sentence façon clé à molette, qui fonctionne sur tout: les jeunes (bien sûr), la musique, les tarifs, le système éducatif, les rencontres, la politesse, les films, le QI… Et le couple, évidemment. Là, c’était mieux avant parce que «les gens faisaient plus d’efforts». Ils ne se séparaient pas dès la première vétille, affrontaient les crises avec stoïcisme, ne noyaient pas leur chagrin en enchaînant les matchs Tinder.

Et de fait, les chiffres donnent raison à tous les nostalgiques des noces de diamant: depuis 1960, le taux de divortialité (soit le rapport entre le nombre de divorces et la population moyenne) n’a cessé d’enfler, passant de 0,5% à 2,1% au dernier décompte de Statbel disponible (2016). En moyenne, un tiers des unions se désunit, alors qu’en Région wallonne, 42% des mariages se terminent par une séparation (fait-on encore moins d’efforts dans le sud du pays? Le Flamand travaillerait-il davantage sa relation, face à un fainéant Wallon de l’amour?).

Dommage qu’il n’existe pas de statistiques sur l’évolution du taux d’infidélité au cours des dernières décennies. Ni de chiffres permettant d’établir la courbe des couples restant ensemble, mais s’emmerdant comme des rats morts. Ou, mieux encore: des données permettant de mesurer l’évolution du nombre de femmes qui restent juste par nécessité financière.

Avant, le couple s’avérait sans doute plus confortable (pour ces messieurs, essentiellement), plus stable (par nécessité) et plus contractuel (je ramène le pognon, tu gères la maison), mais rien de tout cela ne semble entrer dans la définition du mot «mieux».

Tout cela se révélerait certainement hautement instructif. Et permettrait probablement de remplacer la phrase «les gens faisaient plus d’efforts» par «les femmes étaient davantage prisonnières». Car bonne chance pour se barrer, avec pour seule ligne sur un CV une carrière de mère au foyer. «Nous aimons croire que, par le passé, les gens étaient fidèles les uns aux autres, illustre l’autrice et thérapeute relationnelle allemande Melanie Mittermaier dans Der Spiegel. C’est un mythe: les grands-mères fermaient simplement les yeux parce qu’elles étaient économiquement dépendantes.»

Ce que la gent féminine est de moins en moins. En voilà, des statistiques disponibles: le revenu personnel moyen des femmes wallonnes de plus de 25 ans est passé, selon l’Iweps, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique, de 10.615 à 22.095 euros entre 2003 et 2022. Au cours de la même période, l’équivalence par rapport aux revenus masculins a progressé de 60% à 73%. Si, un jour, les 100% sont atteints (alléluia), tsunami de séparations en vue.

Alors avant, le couple s’avérait sans doute plus confortable (pour ces messieurs, essentiellement), plus stable (par nécessité) et plus contractuel (je ramène le pognon, tu gères la maison), mais rien de tout cela ne semble entrer dans la définition du mot «mieux». Sinon, même avec ces inégalités financières subsistantes, ce ne seraient pas les dames qui enclencheraient, en général, les procédures de divorce, selon des données anglaises et américaines (il n’en existe pas pour la Belgique).

Puisque le mariage s’éloigne désormais du contrat précité, ne subsiste que l’amour. «Nos attentes à l’égard des relations de couple sont devenues de plus en plus élevées […], pointe Melanie Mittermaier. Depuis que les femmes participent à la vie sociale et gagnent leur propre argent, elles se sont, avec l’aide du romantisme, persuadées que le couple monogame est quelque chose de merveilleux.» Ah ah ah. La bonne blague.

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