Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | La grande arnaque des influenceurs ménage, ces hommes qui expliquent comment récurer
Sur les réseaux sociaux, les cleanfluencers font un carton. En particulier les hommes, qui expliquent à leurs milliers de followers comment bien récurer les WC. Mais qui regarde ces vidéos? Les femmes, bien sûr.
Et donc, pour insérer parfaitement une couette dans une housse, il faut étendre cette dernière sur le lit, à l’envers, puis placer la couette par-dessus, puis rouler le tout «comme un burrito», puis retourner la housse, puis voilà. L’une des pires pénitences ménagères allégée grâce aux bons conseils de Bruno Ginesty, aka Bruno Gin, alias celui qui kiffe «le ménage avec un grand AIME», comme le stipule son compte Instagram. Près de 438.000 followers, un livre publié chez Marabout (Ménage & vous, ça y va sur les paronomases) et une gamme de produits d’entretien à son nom «bientôt disponibles à la vente». Un petit business qui roule.
Dans ce monde virtuel où tous les tremplins sont bons pour accéder à son quart d’heure de célébrité, les cleanfluencers ont opté pour le balai et le chiffon en microfibre. Grâce à eux (ainsi qu’à quelques millilitres d’acide citrique ou une pincée de bicarbonate de soude), fini les fonds de chiotte mouchetés, les taches jaunes sur les matelas et les fours aux croûtes brûlées.
Etonnamment, les plus populaires de ces nouvelles vedettes de la lavette se révèlent de genre masculin, tels L’homme de ménage (Thomas Cheneau, 388.000 abonnés), Le Viking du ménage (Alexandre Cressiot, 156.000 followers) ou, côté english, Creative Explained (Armen Adamjan, 8,8 millions de fans). Etonnamment, oui, étant donné le peu d’implication constatée au quotidien côté masculin. Selon une étude de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, les premières «effectuent plus de deux tiers des tâches ménagères». Et si cette inégalité manifeste «se réduit depuis 20 ans, c’est parce que les femmes en font moins (1) et non parce que les hommes en font plus», dixit Anne Solaz, directrice de recherche de l’Institut national de recherche démographique, interviewée par TF1.
Bah, le phénomène était déjà allègrement observé en matière de gastronomie, de mode ou de coiffure: à elles les pratiques quotidiennes, lambda, peu valorisantes, mais à eux l’excellence et la gloire.
Peut-être faudrait-il finalement se réjouir de ces mains masculines enfouies dans les seaux et les détergents. Signe d’un monde enfin plus égalitaire en matière de serpillière? Oui… mais non.
Qui consomme massivement ces vidéos où ces experts détaillent comment mixer du vinaigre blanc et du citron pour ôter les traces de calcaire sur la vitre de la douche? Mesdames, bien sûr.
Non car «tout ce que les hommes vont se réapproprier va être valorisé et va par là même invisibiliser les féministes», observe, dans Le Monde, Laura Verquere, docteure en science de l’information et spécialiste des questions de genre. En d’autres termes: de quoi elles se plaignent, ces féminazies? Tout va bien dans le meilleur des mondes, puisque Le Viking du ménage détaille comment enlever la poussière des plantes vertes avec un chiffon double face ultradoux!
Enfin, qui consomme massivement ces vidéos où ces experts détaillent comment mixer du vinaigre blanc et du citron pour ôter les traces de calcaire sur la vitre de la douche? Mesdames, bien sûr. Par exemple, l’audience de Bruno Gin –l’adepte des paronomases– est constituée sur Instagram à 83,9% de femmes. «J’aime le ménage, je ne suis peut-être pas la norme», convenait l’intéressé sur TF1. Définitivement pas, Bruno. Définitivement pas.
(1) Juste pour info, pas nécessairement parce qu’elles se révèlent plus paresseuses, mais surtout parce qu’elles bossent davantage (hors du foyer, s’entend), car certaines technologies ont fini par alléger leurs corvées et en raison de la disparition de certaines activités, comme la couture, par exemple.Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici