Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Divorces chez les aînés: ou comment les hommes perdent leur femme de ménage

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Chez les plus de 65 ans, les divorces explosent. Les femmes prennent leur indépendance… et les hommes perdent leur aide-ménagère.

Pensée émue pour ce septuagénaire qui a «brutalement» perdu son épouse et, probablement, sa femme de ménage. Margot (1) s’est barrée «du jour au lendemain», après plusieurs décennies de maritaux services. Plus de complicité, plus de sexe, pas de remise en question, bye bye. Une tendance de fond: en six ans, les divorces chez les plus de 65 ans ont augmenté de 40%.

Ce sont surtout les dames qui se taillent. «Ce n’est pas pour rien que les hommes de plus de 75 ans constituent aujourd’hui le plus grand groupe à risque pour le suicide», s’alarmait, en février dernier, la gérontologue Els Messelis. Mourir de chagrin? Peut-être. Mais (surtout?) de dépit: qui récurera maintenant les chiottes?, repassera les Damart?, préparera la tambouille? «Il est certain que l’ancienne génération d’hommes est toujours coincée dans ces rôles traditionnels, constatait l’experte. Outre le sexe et l’intimité, [après un divorce], il leur manque quelqu’un pour faire la cuisine et la lessive.» Adieu, monde cruel.

Mais bonjour la belle vie! Pour les aînées, séparation rime plutôt avec libération. Plus diplômées, plus actives, plus indépendantes financièrement = moins de raisons de continuer à s’emmerder avec papy. Surtout quand les gamins sont partis. Le syndrome du nid vide achève parfois le couple: «Quand les enfants ont tous quitté le foyer et [que] ces mères ne savent plus très bien quoi faire de leurs journées parce qu’elles ont perdu ce qui, pendant tant d’années, donnait du sens à leur vie, elles sont alors amenées à se poser la question du lien qui les unit à leur conjoint», avançait – dans cet article – le sociologue Jacques Marquet (UCLouvain).

Et si les couples essayaient d’inverser un peu leurs nids pour être plus épanouis?

Pas de jaloux: le syndrome du nid vide se décline aussi au masculin. Mais ce ne sont guère les gosses qui finissent par manquer à ces messieurs. Plutôt le boulot. «Des hommes qui ont fortement investi dans le professionnel, qui avaient une reconnaissance sociale dans leur métier, se retrouvent sans cette structuration matérielle de leur vie», selon le sociologue.

Deux nids, deux parfaits résumés. D’un côté, les femmes qui surinvestissent la maternité. Parfois sans que quiconque le leur ait demandé, elles agissent comme si l’accouchement leur avait conféré un pouvoir suprême. Puis s’isolent dans ce rôle, oublient leurs amis (a fortiori ceux ne possédant pas de rejetons), abandonnent leurs hobbies, prennent un mi-temps ou un congé parental, font une croix sur les sorties (autres que scolaires). Bref, se fondent inconsciemment dans le moule de la parfaite mère de famille, le seul de leurs rôles toujours socialement accepté.

De l’autre côté, les hommes, trop heureux d’échapper aux corvées éducatives (torcher des fesses, préparer une boîte à tartines, s’inquiéter de trouver un déguisement pour le carnaval: tu parles d’une vie trépidante) pour mener une carrière qui ne les épanouira même peut-être pas spécialement, mais qui collera au cliché du mâle pourvoyeur des fonds ménagers.

Or, des pères célibataires en garde alternée, contraints de s’adonner à mi-temps à ces corvées éducatives, admettent souvent y avoir trouvé une forme d’épanouissement, ainsi qu’une relation privilégiée jusqu’alors insoupçonnée avec leur progéniture. Tandis que les mères, une semaine sur deux, et passées les larmes initiales, découvrent souvent (même si elles n’osent pas toujours l’avouer) les joies de la liberté.

Il leur aura fallu un divorce pour en arriver là. Et si, avant d’atteindre le stade «séparation», les couples essayaient d’inverser un peu leurs nids, pour voir si ça ne les rendrait pas un peu plus épanouis?

(1) Prénom d’emprunt, son témoignage était à lire dans l’article ‘Forte hausse des « divorces gris »: « A la retraite, beaucoup ne se supportent plus »’

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