Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Dans le handicap (aussi), mieux vaut être un homme

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Aditi, l’asbl qui offre des services d’accompagnement sexuel aux personnes en situation de handicap, fête cette année ses 10 ans d’existence. Un service dont les bénéficiaires sont majoritairement des hommes. Comme si les besoins des femmes étaient minimisés. Les femmes handicapées sont pourtant davantage victimes d’abus.

Parfois, c’est juste un câlin, un bisou sur la bouche, un massage. Et parfois, Maxime et Lola (1) font l’amour. C’est «plus facile qu’avec les filles de la gare du Nord», racontait-il dans Le Vif du 24 août dernier. Accessoirement, le presque quarantenaire ne s’y fait plus dépouiller par des individus profitant de sa déficience mentale. Si sa vie affective et sexuelle est aujourd’hui plus sécurisante, c’est par l’entremise d’Aditi. Créée il y a pile dix ans, cette asbl est la seule, en Wallonie et à Bruxelles, à proposer des services d’accompagnement sexuel aux personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie.

Aux personnes? Aux hommes, plutôt. Ce sont majoritairement eux qui font appel aux services tarifés proposés par l’association. Ce sont donc forcément elles qui satisfont les besoins des bénéficiaires. Sur la vingtaine d’assistants sexuels travaillant pour Aditi, plus de deux tiers sont en effet des femmes. Le tiers restant pouvant aussi être sollicité par des hommes dans le cadre de rapports homosexuels. «La base, c’est le don de soi», témoignait sur levif.be Zoé (1), accompagnante sexuelle depuis deux ans. Le don de soi… caractéristique rarement masculine.

«Toutes les expériences d’assistance sexuelle rapportées dans [notre] recherche concernent des besoins “masculins”, jamais une femme n’en ayant fait la demande, ce qui illustre à nouveau la prégnance des stéréotypes de genre en la matière», pointait, en 2018, une étude exploratoire du Conseil des femmes francophones de Belgique sur le handicap, les violences et la sexualité. «Nous adaptons notre offre, justifiait dans ces pages Alain Joret, coresponsable de l’asbl. Dans notre société, malheureusement, la sexualité féminine n’a pas encore trouvé complètement sa place. A fortiori, la sexualité de la femme handicapée est encore davantage taboue

Comme si les femmes en situation de handicap ne ressentaient aucune envie.

Comme si elles n’éprouvaient aucun besoin, ne ressentaient aucune envie. Ou comme si leur frustration était moins grave. «Leur éveil sexuel se fait beaucoup plus tard, l’entourage assume d’emblée qu’elles sont asexuelles, analysait la sexologue Sarah Filion dans la revue québécoise Gazette des femmes, en septembre 2022. Elles sont infantilisées, souvent par des parents surprotecteurs qui ne veulent pas que leur enfant se fasse niaiser ou abuser.»

Pourtant, les femmes ayant une incapacité sont «près de deux fois plus susceptibles que [celles] sans incapacité d’avoir été victimes d’une agression sexuelle», selon une enquête de Statistiques Canada. L’étude du Conseil des femmes francophones concluait que «les femmes porteuses de handicap, en raison de leur vulnérabilité (sociale, physique, psychologique, financière), représentent des “cibles” de choix pour les agresseurs qui y voient l’opportunité d’exercer leur emprise plus facilement. […] Les violences de toutes sortes […] sont omniprésentes, dans les institutions, les familles, les couples, entre bénéficiaires des établissements, etc. et prennent des formes diverses (mauvais traitements, viols, attouchements, négligence, violences psychologiques, économiques, etc.). A nouveau, dans la plupart des cas, les victimes sont des femmes et les agresseurs des hommes, y compris lorsque les violences opposent des personnes porteuses de handicap entre elles.»

Dans le handicap comme dans la validité, à bien des égards, mieux vaudrait donc être un homme.

(1) Les prénoms ont été modifiés.

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