Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Conseils aux parents qui se demandent s’ils doivent laisser leur fille sortir habillée comme ça
Retour du printemps = retour de la polémique sur les tenues des filles. Comment concilier le droit à disposer de son corps, à séduire, et à être protégée?
Dans cette école secondaire de la périphérie liégeoise, la résurgence des températures clémentes – et des minijupes, décolletés et crop tops qui les accompagnent immanquablement – marque systématiquement le retour du même débat dans la salle des profs, entre les majoritaires «metteurs de note» et les minoritaires «laissez-les s’habiller comme elles veulent». Le règlement vs la déconstruction. Le «un peu de décence» contre le «leur corps, leur choix». Parce que, «bien évidemment, dixit cet enseignant, c’est toujours les filles qui se font sanctionner».
Mais ce professeur épris de parité (cœur avec les doigts!) n’est père que de garçons et n’aura probablement jamais à subir l’intime dilemme décrit par l’autrice et journaliste Nadia Daam dans Le Monde, le 1er avril: répéter à sa fille, en bonne féministe, qu’elle a le droit de s’habiller comme elle veut, mais secrètement espérer qu’elle revête un col roulé. «J’étais persuadée que jamais je ne lui dirais: « Tu ne vas pas sortir comme ça! », et pourtant… […] Je n’étais pas emballée à l’idée que ma fille sorte « le nombril à l’air » […] Mais tant qu’il y aura des violences sexistes et sexuelles, tant qu’il y aura des mecs qui reluquent le cul d’une gamine de 12 ans, on n’a pas d’autre choix que l’hypervigilance.»
«Tant qu’il y aura des mecs qui reluquent le cul d’une gamine de 12 ans, on n’a pas d’autre choix que l’hypervigilance.»
Nadia Daam
Il n’y a guère de tenues indécentes, seuls les regards le sont, en projetant leur désir sur un corps parfois à peine nubile. Bien sûr, les femmes peuvent en jouer, ayant depuis longtemps intégré que, chez elles, plaire rime avec chair. «Qu’est-ce qui provoque l’attirance? De nombreuses études ont démontré que les femmes sont plus sensibles à des signes extérieurs, comme la voiture ou le logement, alors que les hommes sont davantage charmés par des aspects relatifs à la beauté, indique Sarah Galdiolo (UMons), professeure de psychologie clinique et thérapeute. C’est pour cela que beaucoup de femmes vont se maquiller, suivre la mode…» Ou publier des photos d’elles en bikini sur les applis de rencontre. Mate la marchandise, chéri (et aime-moi aussi).
Montrer est évidemment différent d’inviter, mais d’obtus esprits continuent à foutre des mains aux culs, peloter des décolletés, s’immiscer là où ils n’auraient jamais dû aller. «Z’avez vu comme elle était habillée?», l’habituelle défense des agresseurs et des violeurs.
Mais ces constats ne résolvent en rien les dilemmes parentaux précités, entre volonté de protection et désir d’émancipation. Une ébauche de solution est apparue au détour de la page 170 du nouvel ouvrage de l’autrice et journaliste Christine van Geen, Allumeuse. Genèse d’un mythe. Page 170 qui relate le discours de Morgane, mère d’Axelle, 15 ans, qui «aime parfois porter des tenues bien mignonnes, courtes». «Je ne lui dis surtout pas: « Tu ne viendras pas te plaindre de te faire agresser. » Mais je soulève le sujet. Je lui dis: « Est-ce que là où tu vas, et avec les gens que tu vas voir, tu te sens à l’aise en mini? C’est ok? Si on t’embête, tu te sens de répondre? » Il faut échanger pour dédramatiser et qu’elle se sente bien, sûre d’elle.»
«En parlant sans accuser, complète Christine van Geen, l’espace s’ouvre pour que la jeune fille puisse se construire dans le respect de soi, l’autorisation à désirer et à plaire, sans la culpabilité qui livre si facilement la victime à l’agresseur. Bien sûr, il faut tenir un discours équivalent aux garçons.» Bien sûr. Tant de choses devraient leur être dites…
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