Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Cher pape, le courage appartient à ces femmes qui osent avorter

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

En visite en Belgique, le pape François a tenu des propos hallucinants sur l’avortement et le courage du roi Baudouin. Seigneur.

Un parfait sens du timing. 28 septembre, journée internationale pour le droit à l’avortement. Quel beau samedi pour annoncer cette volonté de béatifier le feu roi Baudouin, tiens! Cet homme si «courageux», qui avait «choisi de quitter son poste pour ne pas signer une loi meurtrière». Addendum papal le jour suivant dans l’avion qui le ramenait à Rome (ciao!), histoire de clarifier sa –pourtant très claire– provocation: «Un avortement est un homicide, les médecins qui font cela sont, si vous me permettez l’expression, des tueurs à gages.»

Jorge, Jorge, Jorge. Non, cette expression n’est pas permise. Pas davantage que d’affirmer à l’UCLouvain qu’«une femme reste une femme», qu’elle est «accueil fécond, soin, dévouement vital (NDLR: bonne poire, en somme)» et que «c’est moche quand la femme veut faire l’homme».

Ce qui est surtout très moche, c’est quand l’homme veut faire (chier) la femme. En décidant, par exemple, ce qu’elle peut faire ou non de son utérus, de son corps, de sa vie. C’est moche, mais néanmoins extrêmement fréquent (coucou, la Cour suprême américaine!), ce qui n’en demeure pas moins excessivement irritant.

Ils parviendront même aisément à retrouver une autre compagne, à qui ils seront libres de faire un autre mioche, et quand bien même cette fois ils s’en occuperaient, ils conserveront toujours cette échappatoire, cette possibilité de se casser un jour ni vu ni connu

Irritant car, au fond, la femme n’a jamais pu «faire l’homme». C’est-à-dire –en matière de reproduction– baiser, s’en foutre et se barrer, sans que ce malencontreux don de sperme n’affecte nullement le cours de son existence. Tout le monde en connaît, des mecs qui ont joué cette carte «privilège masculin ultime» sans passer par la case contraintes. Et pourtant, personne ne cloue ces pères démissionnaires au pilori sociétal. Même ceux qui ne s’acquittent jamais de leur part contributive. Ils parviendront même aisément à retrouver une autre compagne, à qui ils seront libres de faire un autre mioche, et quand bien même cette fois ils s’en occuperaient, ils conserveront toujours cette échappatoire, cette possibilité de se casser un jour ni vu ni connu, comme s’ils n’avaient jamais enfanté. Non, définitivement, les femmes ne pourraient jamais faire l’homme.

Se rendre dans un planning familial ou à l’hôpital, ingérer des médicaments qui font fréquemment se tordre de douleur, ou se faire poser un tube aspirant dans le vagin, parfois devoir rejoindre les Pays-Bas parce qu’une poignée d’hommes –encore eux– politiques belges refusent obstinément d’allonger le délai de l’IVG, le tout généralement seule, voilà qui est courageux. Tout comme de savoir reconnaître que l’on n’est pas prête, psychologiquement, économiquement, familialement, ou que l’on n’est tout simplement pas désireuse de devenir mère. Choisir de ne pas offrir une vie bancale à un enfant non désiré demande bien davantage de cran que de renoncer à régner durant 36 heures.

Les meurtriers sont ceux qui partout, à la moindre occasion, s’échinent à faire en sorte que le corps des femmes soit de moins en moins leur choix. Ceux qui permettent qu’elles soient contraintes, dans certaines régions du monde, d’en passer par le cintre. Et d’en crever. Au nom de quelle croyance serait-ce acceptable?
Un refus d’avortement est un homicide, les hommes qui font cela sont, si l’expression est permise, d’égoïstes enfoirés qui feraient mieux de la fermer. Pour se consacrer, par exemple, à réparer les ravages des abus sexuels commis au sein de l’Eglise. Dont 100% des auteurs, faut-il le rappeler, sont des hommes. Des criminels, des vrais.

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