Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Les demandes en mariage en public, ou comment forcer un «oui»
Les demandes en mariage dans un lieu public sont de plus en plus populaires, réseaux sociaux obligent. Une manière de contraindre les amoureuses… et de perpétuer les stéréotypes de genre.
Deux athlètes de 39 et 37 ans, respectivement prof et kiné, chacune mère de famille, qui remportent une médaille (certes de bronze, mais une médaille quand même), ça ne court pas les JO. Les Françaises Charline Picon et Sarah Steyaert ont réalisé un petit exploit, cet été, en 49er FX (un dériveur léger qui se barre à deux). Mais l’histoire olympique –et médiatique– retiendra moins leur performance que celle… de leurs conjoints.
Fraîchement sorties de l’eau, s’approchant de la barrière Nadar derrière laquelle les attendent leurs compagnons, elles constatent que ceux-ci posent un genou à terre. «Non, non, fais pas ça!», s’écrie l’une d’elles. «Parlez fort, parlez fort. Parlez plus fort!!!», leur somme l’une des nombreuses personnes en train de filmer. C’est sûr, il ne faudrait pas que les portables braqués ne puissent pas s’empiffrer de la moindre miette de cette intimité. «Elles ont dit oui, elles ont dit oui?», beugle un autre spectateur.
Elles ont dit oui. «Bah oui, qu’est-ce que tu veux qu’on leur dise», a ensuite raconté Charline Picon sur RMC. Ajoutant que son partenaire avait déjà tenté, une fois, mais qu’elle l’avait envoyé bouler. «J’avais dit non, c’est nul, c’est pas bien fait, c’est mort.»
Mais comment refuser face à tellement de témoins, tant de caméras? En juillet 2018, Maeva s’y était risquée. Les Bleus venaient de remporter la Coupe du monde et, parmi la foule massée sur les Champs-Elysées, son compagnon avait sorti l’écrin. «Non, non, non», répondit-elle. Elle l’avait prévenu, avant, qu’elle ne voulait pas l’épouser. Il avait quand même tenté. «Salope», «connasse», «grosse pute»… La jeune femme avait ensuite été la cible de harcèlement en ligne.
«Parlez fort, parlez fort. Parlez plus fort!!!»
Selon un sondage effectué par le site mariages.net, relayé par Le Monde, 79% des personnes interrogées préféreraient une proposition en privé. Pourtant, les demandes publiques n’ont jamais été si populaires. La faute aux réseaux sociaux, probablement: comme certains choisissent leur destination de vacances uniquement pour la beauté de leurs stories («Je ne peux pas aller à Saint-Barth si je ne peux pas le poster sur Insta!», a dit un jour Nabilla), d’autres espèrent se marier pour faire pleuvoir les likes.
Sans Facebook et compagnie, la tradition du genou à terre aurait-elle disparu aussi vite qu’elle avait émergé, c’est-à-dire (seulement) dès les années 1990? Décidément, les désagréments de l’influence américaine…
Car, bien sûr, ce sont majoritairement les femmes qui se sentent piégées par ces démonstrations publiques. Puis ces stéréotypes genrés, de l’homme obligé de prendre l’initiative pour satisfaire les désirs de sa princesse passive… Selon une étude américaine, publiée par Le Parisien, seules 5% des demandes émanent de ces dames. Paradoxales relations sentimentales: tant de femmes rêvent aujourd’hui d’égalité au sein du couple, tout en se complaisant dans certaines «traditions». Ne pas faire le premier pas, ne pas payer l’addition, ne pas embrasser la première…
Les Jeux olympiques de Paris furent le théâtre de cinq autres demandes en mariage. Dont celle d’Alice Finot. La Française s’était promis de faire sa demande si elle courait sous les neuf minutes au 3.000 mètres steeple. Genou à terre, elle lui a offert… un pin’s. Reste à espérer que son conjoint ne se soit pas senti obligé d’accepter.
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