Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Au procès de Mazan, les avocats de la défense se sont enfin tus

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

Ce 13 décembre, les avocats de la défense du procès Mazan ont terminé leurs (laborieuses) plaidoiries. Comment défendre des violeurs? En tout cas, plus comme avant. Plus comme ils l’ont fait.

Il y a celui «qui a vraiment du mal à croire que Gisèle Pélicot n’ait jamais rien perçu». Il y a celle qui ose le «c’était un jeu sexuel à trois […], elle a bougé le bassin». Il y a celui qui crie à l’«erreur judiciaire». Il y a celui qui plaide la «testostérone» et les «pulsions sexuelles». Il y a aussi  celui qui déplore «les huées, les affiches et les slogans haineux», tandis qu’un autre suggère aux féministes de s’expatrier tantôt «en Afghanistan», tantôt «en Iran», «là [où] elles auront du travail». Vraiment, le plus choquant dans toute cette affaire des viols, ce sont bien évidemment ces wokistes qui manifestent dans les rues d’Avignon…

Heureusement, les avocats des accusés se sont désormais tus. Cinquante prévenus (le 51ème a fui à l’étranger), ça en fait des robes – et des énormités – qui défilent à la barre.  Car la multiplicité des défenseurs ne s’est pas traduite par une diversité des arguments. Leur résumé, uniforme: c’est pas eux, c’est lui. Le grand méchant Pélicot ayant manipulé d’innocents agneaux qui s’étaient immiscés dans la bergerie pour jouer, pas pour violer. Ce qu’ils ont finalement tous fait, certes, mais bon, aucun n’en avaient l’intention, alors c’est pas si grave, hein?!, répètent en substance les conseils.

Se rendent-ils compte de leur indécence? Réalisent-ils à quel point leurs arguments semblaient ridicules, presque risibles, balayés par la nauséeuse vérité des vidéos projetées dans la salle d’audience à chaque fois qu’un accusé ne reconnaissait pas les faits (soit quasiment tous)? Face au lit, malgré l’inertie de la victime et ses ronflements, tous ont bandé (ou essayé), léché, caressé, pénétré, enfoncé leur engin dans une bouche ronflante, parfois rigolé ou levé le pouce en direction de la caméra. Tous ont violé une femme qui dormait. Leur malaise, si abondamment raconté devant le cour, n’en a poussé aucun des 50 à dénoncer les faits.

Réalisent-ils à quel point leurs arguments semblaient ridicules, presque risibles, balayés par la nauséeuse vérité des vidéos projetées dans la salle d’audience à chaque fois qu’un accusé ne reconnaissait pas les faits (soit quasiment tous)?

Le tribunal d’Avignon sonnait toujours un peu comme celui d’Aix-en-Provence en 1978. Le «elles étaient consentantes» des avocats des trois hommes accusés d’avoir violé deux campeuses près de Marseille ont juste été remplacés par les «ne faisait-elle pas semblant de dormir? ne serait-elle pas un peu exhibitionniste? alcoolique?».

Salir la victime pour tenter de blanchir l’accusé. Encore et toujours. Comme si les hommes et femmes de loi continuaient à exercer leur métier dans une bulle hermétique à #MeToo, aux mouvements «balance ton», aux statistiques, au féminisme, à une société en mutation.

Comment défendre un violeur? Voilà un pan du droit voué à se réinventer. Car ça ne peut plus être comme avant, comme toujours. Plus en lançant des «mais enfin, comment pouvez-vous croire qu’il ait pu abuser d’elle, vous avez vu comme il est beau et elle laide?» ou des «bien sûr que je n’ai pas léché ses seins alors qu’elle était allongée dans mon cabinet, ils sont asymétriques!» (entendus dans des salles d’audience belges).

Peut-être le procès de Mazan servira-t-il à faire comprendre ça.  A faire changer la honte de prétoire.  

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