Mélanie Geelkens
La sacrée paire de Mélanie Geelkens | Au cinéma, pour jouer une vieille, faut en réalité être jeune
Deux actrices sexagénaires qui jouent des rôles de sexagénaires: ça n’a l’air de rien, mais au cinéma c’est assez exceptionnel.
OK, OK, il y a Thelma et Louise. Mais à part ça? Qui? Alors qu’il n’y a même pas besoin de réfléchir deux secondes pour citer des duos masculins du septième art, de Laurel et Hardy à Batman et Robin en passant par Han Solo et Chewbacca. Mais des femmes? Ça sèche, hein! Encore moins simple: trouver des actrices rassemblées au grand écran pour faire autre chose que chercher le grand amour ((Les Demoiselles de Rochefort, Les hommes préfèrent les blondes) ou tuer un mec (Chicago, Les Diaboliques).
La liste des mères bien trop jeunes pour être vraies est longue comme un film sans son
Mais il y aura désormais Jodie Foster et Annette Bening, héroïnes de Nyad (fort peu subtilement traduit en français par Insubmersible), sorti fin octobre simultanément dans les salles et sur Netflix. Un biopic relatant l’exploit de Diana Nyad, l’athlète américaine ayant réussi la performance de rejoindre Cuba à la Floride à la nage: 177 kilomètres de crawl au milieu des méduses et des requins, soixante heures de traversée. A 64 ans.
Donc, déjà: deux meufs dans une histoire qui n’a rien de sentimental, ni aucun rapport avec un homme dont il faudrait s’attirer les faveurs, ça ne court pas les écrans. Puis aussi: deux dames d’un âge souvent qualifié de «troisième» qui tiennent la vedette, c’est rare comme une Palme d’or attribuée à une réalisatrice. Encore plus incroyable: Jodie Foster et Annette Bening interprètent des sexagénaires… et ont elles-mêmes 60 et 65 ans. Dingue!
Ah si, vraiment, c’est fou. Parce qu’en gros, au cinoche, d’habitude, pour jouer une vieille, il faut en réalité être jeune. Il faut avoir 29 ans, comme Angelina Jolie lors du tournage d’Alexandre, en 2004, pour interpréter la mère de Colin Farrell, qui en avait… 28 à l’époque. Il faut avoir 35 ans, comme Katie Holmes, en 2014, dans The Giver, pour être virtuellement la maman d’un acteur de 24 ans.
La liste des mères cinématographiques bien trop jeunes pour être vraies est longue comme un film sans son. Glenn Close, maman de Mel Gibson dans Hamlet? Neuf ans d’écart. Et dans Le Monde selon Garp, cette fois génitrice de Robin Williams: quatre ans de différence d’âge. Dans la vraie vie et non dans Aquaman, Nicole Kidman aurait, quant à elle, dû être enceinte de son fils Jason Momoa à l’âge de 12 ans. Tandis que Juliette Binoche aurait dû accoucher de Camille Cottin à 14 ans, selon Telle mère, telle fille. Jennifer Coolidge, la fameuse «maman de Stifler» dans American Pie n’a que quinze ans d’écart avec son fils virtuel Seann William Scott. Qui lui avait 23 ans au moment du tournage, alors qu’il était censé incarner un ado. Mais bon. Personne ne s’étonne non plus que Ryan Reynolds, censé être l’ami d’enfance de Blake Lively dans Green Lantern, ait en réalité onze ans de plus qu’elle.
Pourtant, l’industrie du grand écran devrait pouvoir en trouver à la pelle, des actrices disons d’âge mûr, elle qui les flanque à la retraite forcée au-delà de 35 ans environ. «Le système impose aux actrices de vendre plus souvent leur capacité de séduction que leurs compétences. […] Or, à plus de 50 ans, c’est-à-dire une fois ménopausée, une actrice entre dans un tunnel qui la place dans une zone indéfinie, dont elle sort lorsqu’elle peut jouer les grands-mères», affirme Gwénaëlle Le Gras, coautrice de L’Age des stars, des images à l’épreuve du vieillissement (L’Age d’homme, 2017), citée dans Le Monde.
Ou, pour paraphraser Muriel Robin: «Quand on n’est pas pénétrable, dans cette société, et dans le cinéma, on ne vaut rien.»
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici