Mélanie Geelkens

La sacrée paire de Mélanie Geelkens | 93% des cambrioleurs sont des hommes, et ça n’interroge personne

Mélanie Geelkens Journaliste, responsable éditoriale du Vif.be

En matière de cambriolage, comme d’autres types de délits, les auteurs sont en très grande majorité des hommes. Sans que cela n’étonne, ni ne questionne.

Un vendredi soir, début octobre. Même pas tard, à peine 23 heures. Tiens, bizarre ce sac par terre au milieu du hall d’entrée. Et, en partant, la lumière était étein… P*****. Tous les tiroirs retournés les armoires béantes les vêtements jetés par terre les boîtes de rangement éventrées la moindre trousse inspectée même celles des ustensiles de cuisine. Note pour plus tard: ne jamais planquer de fric dans l’étui du couteau électrique. Pensée immédiate: quel(s) enfoiré(s).

Au masculin assumé. Un peu comme l’essayiste française Lucile Peytavin qui, un jour en se promenant, avait entendu des sirènes de police et immédiatement pensé «encore pour un délit commis par un homme». Si une caméra avait pu filmer le bris de la vitre, la fracture du châssis, elle aurait immortalisé la tronche d’un mec.

Certitude statistique. Selon l’entreprise d’installation de dispositifs de sécurité Security expert, «la plupart des cambrioleurs sont des hommes de moins de 25 ans». La police fédérale affirme ne pas disposer de données et renvoie vers les zones de police locales, ce qui représenterait un fastidieux travail de collecte de données. Fastidieux travail que le ministère français de l’Intérieur avait réalisé, en 2016. Conclusion: «Pour les cambriolages dans des logements, les hommes représentent 93% des mis en cause […] Une très large majorité [d’entre eux] ont moins de 31 ans: ils représentent à eux seuls 75% des mis en cause.»

Plus de neuf «chances» sur dix, donc, que le type qui a retourné la baraque (tout ça pour piquer une seule bague…) soit un petit con même pas trentenaire. Curieux que le phénomène ne soit jamais analysé de façon genrée. Parce que, bon, si un délit était –prenons des exemples tout à fait fictifs– commis majoritairement par des étrangers de nationalités diverses, cette récurrence serait évidemment soulignée, interrogée, débattue, voire condamnée. Si un phénomène délictueux était en majeure partie imputable à des ados de 16 ans, il ne passerait pas davantage inaperçu.

Prendre à d’autres ce que l’on ne peut soi-même avoir pourrait être une tentation féminine. Et pourtant pas.

Mais, visiblement, nul ne s’étonne –ni ne s’émeut– qu’un crime soit majoritairement perpétré par les représentants d’un genre bien déterminé. Ainsi, certains analystes se sont interrogés sur l’origine de ces criminels («Les voleurs sont de plus en plus souvent étrangers», Europe1), leurs profils (opportunistes, amateurs, professionnels…), leur conscience (en ont-ils une ou pas?, s’interroge un forum), leur condition sociale (précaire) et même leur période faste d’activité (l’hiver). Mais jamais sur cette surreprésentation masculine.

Comme si elle coulait de source, comme si elle était normale. Alors qu’au fond, la précarité est davantage féminine –de nombreuses statistiques le confirment. Prendre à d’autres ce que l’on ne peut soi-même avoir pourrait donc être une tentation féminine. Et pourtant pas (ou si peu).

C’est d’autant plus étonnant que cette réalité –en matière de cambriolages comme de quasi tous les autres types de criminalité– a un coût. Elevé. Mirobolant. Lucile Peytavin l’a calculé pour la France: la virilité oblige les pouvoirs publics à dépenser 95,2 milliards d’euros chaque année (prisons, police, justice, hôpitaux…). Une collègue l’a imitée, pour la Belgique: 16,4 milliards d’euros, au bas mot. Sans pouvoir comptabiliser toute une série de conséquences annexes, difficilement chiffrables. Mais, après tout, qui se soucie de l’impact psychologique d’un cambriolage sur les personnes qui découvrent leur maison ainsi souillée? Certainement pas l’enfoiré qui a brisé cette vitre et renversé tous ces tiroirs.

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