Guillaume Gautier
La chronique de Guillaume Gautier: l’arbitre est mis en scène (et ça craint)
Le nouvel habillage de l’assistance vidéo fait des interventions de l’arbitre un nouveau support publicitaire.
Thorgan Hazard s’effondre soudainement, comme si son tête-à-tête avec Owen Wijndal était aussi empoisonné qu’une pomme dans Blanche-Neige. L’arbitre porte sa main à l’oreille, et c’est là que le spectacle commence. L’écran diffusé par Eleven Sports se divise en trois donnant à voir simultanément les joueurs qui attendent, l’arbitre face à une télévision que lui seul peut voir et le trio de la VAR affairé dans une salle aux allures de régie d’une grande chaîne d’info.
Rien de neuf jusque-là, si ce n’est une scénarisation devenue systématique et désormais sponsorisée. Un grand matraquage pour une bière (sans alcool, évidemment, parce que l’arbitrage, c’est la sobriété) vendue le temps d’un insert en plein écran, puis d’un bandeau qui accompagne la toujours longue procédure en proposant de scanner un QR-code pour «aider le ref» et gagner des bières (sans alcool, toujours, n’oublions pas la sobriété) en donnant son avis le plus rapidement possible. Une sorte de version moderne du pouce levé ou baissé à la romaine, avec la décision de l’arbitre dans le rôle de victime potentielle? En tout cas, une affirmation incontestable que l’arbitrage fait désormais partie du show.
La promesse initiale de l’assistance vidéo aux arbitres était pourtant loin d’être celle-là. Il s’agissait de mieux les épauler. D’évacuer la pression d’une décision prise en solitaire et sans informations suffisantes à cause de l’instantanéité du choix à poser. De légitimer par l’image, surtout, des décisions de plus en plus contestées par les acteurs et les spectateurs. L’arbitrage ne pouvait qu’en sortir grandi, lisait-on à l’époque. Ancien sifflet le plus sévère, mais aussi parmi les plus réputés du pays, Serge Gumienny déclarait pourtant récemment, dans un article du Belang van Limburg, que «l’arbitrage belge n’a jamais été aussi mauvais qu’aujourd’hui».
Assistance vidéo ou pas (on n’évoque même pas toutes les dérives potentielles de cette justice du millimètre ou du ralenti), tout le monde tombe toujours sur les arbitres. Parce qu’aucun joueur, entraîneur ou supporter ne sortira jamais d’une saison en considérant que cette fois, il a eu de la chance: la majorité des décisions arbitrales lui ont été favorables et les coups de sifflet ont influencé favorablement son classement. Il y aura donc toujours des gens pour déverser la frustration d’un mauvais résultat sur les hommes en noir. Avec un atout considérable dans leur manche: puisqu’on ne parle de l’arbitre que quand il fait une erreur, plus on parle de lui et plus la présumée piètre qualité de l’arbitrage se retrouvera sur le devant de la scène.
Pour protéger ses arbitres, le football belge a curieusement décidé de les afficher avec ces vidéos hebdomadaires surréalistes, dans lesquelles leur patron les déjuge publiquement. Un peu comme si, cette semaine, l’Union diffusait une capsule dans laquelle Alexander Blessin décortique dans les moindres détails l’erreur d’Anthony Moris sur le but victorieux de Genk en ce lundi de Pâques.
Ni la vidéo ni les rectifications publiques n’aideront vraiment les arbitres. Peut-être tout cela irait-il simplement mieux si les acteurs se concentraient sur les conséquences de leurs propres erreurs et leur faculté à les corriger. Il est néanmoins toujours plus commode de chercher les coupables ailleurs. Surtout si leurs interventions finissent par permettre de gagner des bières.
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