Nicolas De Decker
La certaine idée de Nicolas De Decker: même humilié, un parti doit toujours faire croire qu’il a gagné
Même humilié, un parti doit toujours faire croire qu’il a gagné. C’est une histoire vieille comme Pâques. Ou plutôt comme la crucifixion.
L’humanité doit paraît-il à Paul de Tarse la plus importante déclaration postélectorale de l’histoire. Saint Paul avait pris, en cours de route vers Damas, le chemin d’un parti qui semblait n’avoir aucun avenir, son fondateur étant décédé dans des conditions particulièrement peu glorieuses. Mais dans la première épître aux Corinthiens, Paul renversa le stigmate. Il fit de la crucifixion une victoire. Les disciples de Jésus, qui croyaient qu’arriverait avec lui le Royaume de Dieu, l’avaient perdu. Il était mort, et sa mission terrestre s’était donc terminée sur un cuisant échec. Mais selon Paul, le monde y gagnerait un ciel. La crucifixion, ce «scandale pour les Juifs et folie pour les païens», loin de consacrer la fin humiliante de Jésus, marquait en fait la naissance triomphale du christianisme.
Les chrétiens affirmant que la preuve qu’ils sont les meilleurs, c’est que leur champion a perdu, avaient, de très bonne foi, inventé le communiqué victorieux d’un soir d’élections perdues. Notre ère inaugurait avec elle celle des vérités alternatives.
Ils eurent des successeurs de plus mauvaise foi dans la langue de bois, des continuateurs d’encore plus grand talent, des renverseurs de stigmates d’encore meilleure essence. Des gens qui proclament leur résurrection à chaque fois qu’ils ont tort, soit presque à chaque fois qu’ils parlent.
Des racistes qui disent qu’il faut voter pour eux pour lutter contre le racisme.
Des antiféministes qui disent qu’il faut voter pour eux pour combattre le sexisme.
Des séparatistes qui disent qu’il faut voter pour eux pour éviter la séparation de la Belgique.
Des socialistes qui disent qu’il faut voter pour eux pour éviter le PTB dont ils disent qu’il copie leur programme.
Un PTB qui dit qu’il faut voter pour lui pour éviter le PS dont ils disent qu’il copie son programme.
Des socialistes, qui sont au pouvoir partout, qui disent que c’est à cause du libéralisme hégémonique si ça va mal.
Des libéraux, qui sont au pouvoir partout, qui disent que c’est à cause du socialisme hégémonique si ça va mal.
Des écologistes qui disent que c’est grâce à eux si on construit les centrales à gaz.
Des écologistes qui disent que c’est grâce à eux si on maintient les centrales nucléaires.
Des écologistes qui disent que c’est grâce à eux si on en finit avec les centrales nucléaires.
Des écologistes qui disent que c’est grâce à eux si on en finit avec les centrales à gaz.
Des gens de l’opposition qui disent qu’il faut rester dans l’opposition parce qu’au pouvoir on ne sait rien faire tout en disant que c’est grâce à eux si les gens qui sont au pouvoir font plein de choses.
Des gens de la majorité qui disent qu’il n’y a qu’au pouvoir qu’on sait faire plein de choses tout en disant que c’est parce que l’opposition est dans l’opposition qu’ils ne savent pas faire plein de choses.
Tous ceux-là disent aussi qu’ils voient la vie du bon côté même quand ils sont cloués.
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