Nicolas De Decker
La certaine idée de Nicolas De Decker : mais où étaient donc passées les polémiques de l’été?
La Belgique francophone n’a pas connu ses traditionnelles polémiques de l’été, cette année. Un peu comme si les polémistes estivaux étaient en vacances. Ou comme si ils préparaient leur rentrée.
Mais où étaient donc passés les polémistes de l’été? Alors qu’août tire sur une fin paresseuse, que les politiques sont déjà presque rentrés pour dire des choses sérieuses, pour parler des futurs budgets et faire pétuler la campagne qui gronde, il semble que l’été se soit passé sous la pluie mais sans orage, en Belgique francophone.
On respecte beaucoup plus la tradition des polémiques des vacances, si stupides, si stériles mais si divertissantes, chez nos voisins français, par exemple, où l’on découvre depuis quelques semaines qu’à cause de la tyrannie wokiste on ne peut même plus dire que Michel Sardou est de droite, et chacun est sommé de prendre position sur le sujet.
Mais chez nous, là, rien ou presque. L’opinion publique, rafraîchie par le gris des nuages, n’a rien eu sur quoi vraiment se disputer: pas de tweet excessif, pas d’interview révoltante, pas de proposition ridicule, pas de petite phrase puante, même pas de fait divers dégoûtant, entre la quille du 21 juillet et la reprise du 15 août. A peine quelques idées folles, du genre à faire payer aux prisonniers leur séjour en prison comme dans Lucky Luke contre Joss Jamon, ou à réclamer une réforme de l’Etat pour réindustrialiser la Wallonie comme dans André Cools contre José Happart, si peu que ces semaines ont filé comme si elles n’avaient jamais existé.
Comme si les habituels polémistes de l’été étaient en vacances après avoir polémiqué toute l’année, se trouvant fort dépourvus quand la pause fut venue. Ou comme si les habituels polémistes de l’été étaient en train de préparer leur rentrée afin de bien polémiquer toute l’année.
Comme si les habituels polémistes de l’été profitaient des vacances pour déjà fignoler leur première polémique de la rentrée.
Un livre va sortir, d’ailleurs, dans quelques jours.
Un livre d’entretiens entre un journaliste et un politique, un de ces habituels polémistes de l’été si doué qu’on en parle toute l’année, on ne dira pas qui c’est.
Et le journaliste dit de lui des choses qui animeront incontestablement la rentrée, des choses comme «A l’écouter, je m’interroge en ayant peur de me tromper. Jour après jour, il me donne l’impression de lutter pour réaliser un rêve, celui d’un avenir meilleur, d’un monde meilleur. Il fait partie d’une catégorie de gens de plus en plus rares, dont la caractéristique est d’avoir assez de tripes pour ne pas céder à l’entropie ambiante. Est-il seul en son genre?» ou comme «C’est rare, un homme qui évoque sans détour ces moments qui l’ont le plus frappé au cours de son existence. On s’aperçoit, à se livrer de la sorte, le cœur battant, que les années passent comme un rêve et que les souvenirs peuvent briller de mille feux ou se dresser sur les ruines des aléas de la vie» ou comme «L’après-midi, cet après-midi, est inévitable. Il marque la fin de nos rencontres dans le cadre de ce travail. Vous connaissez certainement tous et toutes ce genre de sensation au cinéma. Le film tire vers sa fin, vous le sentez et vous éprouvez un léger pincement au cœur: «Oh! non, c’est trop tôt!»
Devinerez-vous qui est le polémiste qui a travaillé sa rentrée tout l’été?
Nicolas De Decker est journaliste au Vif.
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