Nicolas De Decker

La certaine idée de Nicolas De Decker : ce fut l’été de l’indignation politique (chronique)

Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Cet été fut celui de l’indignation politique. La preuve par Georges-Louis Bouchez.

La planète chauffe, la guerre menace l’Europe, les prix explosent et les peuples grondent.

Cet été est l’été de tous les dangers et cet automne sera la saison de toutes les manifestations. Conscient de la menace et soucieux de canaliser les colères, le monde politique fait ce qu’il sait, désormais, faire de mieux pour apaiser les douleurs des nations excédées. Cerné de mille contraintes, il ne peut plus décider comme avant.

Alors, il recrute en s’indignant.

Sur les réseaux sociaux, l’indignation politique est aujourd’hui devenue un si puissant vecteur d’engagement qu’elle alimente les conquêtes et les reconquêtes, composant et recomposant des camps avec la certitude algorithmique du «dis-moi qui t’indigne et je te dirai qui tu suis».

L’exemple parfait, en Belgique francophone, est celui du président du Mouvement réformateur et de ses très professionnelles indignations de l’été*.

La grande indignation de cet été de Georges-Louis Bouchez porte sur le nucléaire, bien entendu, mais pas sur le fait que plus de la moitié des réacteurs français sont aujourd’hui à l’arrêt, ni que la plus grande centrale d’Europe se trouve dans une zone en guerre.

Ce qui l’indigne, et ses études de marché confirment la rentabilité de cette indignation, ce n’est pas qu’il y ait trop de centrales nucléaires, mais pas assez.

Il s’indignait du contraire il y a quelques années, mais la contradiction n’est pas un obstacle au recrutement par l’indignation.

Ainsi, le temps d’un même été, le président du Mouvement réformateur a-t-il pu s’indigner qu’un ministre écologiste de la Mobilité demande qu’une attention particulière soit donnée aux vols de vélo ET qu’un journaliste de la RTBF se fasse voler son vélo dans un centre-ville à la circulation réglée par un échevin écologiste de la Mobilité.

L’indignation étant donc une émotion et pas un tour de la raison, elle peut naître d’une présence aussi bien que d’une absence, jusqu’à même en alimenter une allégation.

Ainsi le président du Mouvement réformateur a-t-il récemment pu contribuer à alimenter l’indignation autour du silence présumé complice de certains de ses adversaires politiques, qui ne se seraient pas indignés de l’attentat terroriste commis contre Salman Rushdie. L’indignation étant une profession, la plus saine des éthiques professionnelles autorise à s’indigner que d’aucuns ne se sont pas indignés, y compris ceux qui se sont indignés et ceux qui ne s’indignent jamais.

Surtout, dès lors que l’indignation est une obligation, et que cette obligation recrute sur une émotion insensible à la contradiction, elle est d’un grand confort pour ses plus éminents praticiens.

Ainsi le président du Mouvement réformateur a-t-il même pu cet été s’indigner d’être ciblé par des «professionnels de l’indignation».

Sans que cela ne suscite la moindre indignation.

* Ses concurrents n’ étant pas moins vains mais beaucoup plus taiseux, ils en deviennent moins exemplaires. Que le lecteur conservateur, suspicieux d’un traitement de défaveur à l’égard de son jeune héros sache ici que les indignations adverses ne sont pas d’une moindre mauvaise foi, loin de là.

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