Joseph Ndwaniye
Trouver des remèdes pour éviter la «fuite» du personnel infirmier (chronique)
Le malaise ressenti par les infirmiers grandit et nombre d’entre eux jettent l’éponge. Comment arrêter l’hémorragie?
Très jeune, j’ai senti au fond de moi le besoin de prendre soin des autres. Ce fut donc une évidence de me tourner vers les études d’infirmier et de faire de ma vocation mon métier. J’ai toujours été convaincu que c’est le plus beau métier du monde, et cela n’a pas changé. Pourtant, depuis que je l’exerce, les compétences qu’il requiert se sont élargies et complexifiées: dossiers des patients informatisés, traitements innovants, évolution des besoins des malades devenus plus exigeants, souci de rentabilité…
L’infirmier ou l’infirmière d’aujourd’hui soigne à l’hôpital et en-dehors de l’hôpital, est en relation permanente avec l’humain dans sa vulnérabilité, exerce en collaboration avec d’autres professionnels du soin. C’est un praticien réflexif qui détient des connaissances actualisées, qui pose un jugement clinique infirmier. Sa pratique est guidée par une réflexion éthique. Il accompagne la personne soignée et son entourage tout au long de leur parcours de vie. Toutes ces dimensions nécessitent une formation exigeante afin de se préparer à prendre soin des autres, en veillant à ne pas s’y brûler les ailes. Dans ma chronique du 18 avril, à la suite de la manifestation qui avait eu lieu le 20 mars, j’ai abordé les difficultés de plus en plus criantes que rencontrent les infirmiers dans un pays à la gestion rendue complexe par les différents niveaux de pouvoir et la dimension communautaire.
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Le secteur de la santé n’y échappe pas. Le malaise ressenti par les infirmiers grandit et nombre d’entre eux jettent l’éponge. Pourquoi les entend-on si peu alors que leurs difficultés sont bien visibles sur le terrain? La réponse à cette question pourrait se trouver dans l’essence même de leur métier: la continuité des soins doit être assurée en toutes circonstances. De là découle probablement la faible mobilisation lors des manifestations. Est-ce que manifester massivement jusqu’à l’obtention des résultats, comme le font d’autres professions, mettrait en péril les soins aux patients? On évoque régulièrement, à tort, la pénurie du personnel infirmier. La pénibilité du travail est devenue telle que beaucoup abandonnent rapidement le métier. Ne faudrait-il pas augmenter les ratios à un infirmier pour huit patients contre un pour onze actuellement?
Ce n’est pas non plus la création de catégories d’infirmiers moins formés, et donc moins rémunérés qui motivera les futurs candidats à s’engager dans cette magnifique profession. Ne faudrait-il pas, au contraire, aider à mettre à jour les compétences de ceux qui sont déjà bien formés et leur octroyer une rémunération juste? Cela permettrait aux étudiants en stage d’être accueillis par un personnel ayant la possibilité de transmettre son métier.
Les solutions pour répondre au manque d’infirmiers sur le terrain devraient préserver la qualité des soins. Leur parole devrait pouvoir être entendue par nos décideurs pour répondre aux difficultés existantes: l’expertise des soignants et de leurs représentants est la meilleure source pour prendre les décisions adaptées. Moi, ministre de la Santé, j’arrêterais l’hémorragie et ferais revenir au moins 2.500 infirmiers (ceux qui manquent aujourd’hui dans les institutions de soins en Belgique) sur les 24.000 en âge de travailler mais que le système a fait fuir à cause des conditions aliénantes qu’il leur inflige.
«La pénibilité du travail est devenue telle que beaucoup abandonnent rapidement le métier.»
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