Nicolas De Decker
Ils ont promis de la rigueur mais ils ont multiplié les erreurs: pourquoi l’Arizona est déjà un cirque maquillé en Forum romain
La promesse de l’Arizona, et le message de Bart De Wever, c’est la rigueur. La pratique de l’Arizona et la technique de Bart De Wever, ce sont des blagues et des erreurs.
Le sérieux est inscrit dans le récit de l’Arizona comme la réplique d’une œuvre trop populaire s’expose dans un musée trop fréquenté. Le musée fait sa publicité dessus, on la photographie et on la publie sur tous ses réseaux, c’est l’argument marketing princeps mais ce n’est pas la vraie toile qu’on montre, parce que l’exposition abîme l’originale vérité du chef-d’œuvre. Les 40 heures de débats au Parlement ont exposé la facticité du vernis de sérieux que se donnent les cinq partis de la coalition.
Et c’est sans doute pour ça que Bart De Wever a dit de ces 40 heures de débats qu’elles n’avaient servi à rien, perché très digne à la tribune de la Chambre. En toute rigueur. Mais plein d’erreurs.
C’était dans une intervention que les éditorialistes ont louée pour l’austérité de sa forme, alors qu’elle a consisté à faire des blagues, sur le fait d’appeler «Pierrrre le voleurrrrr» son collègue Peter De Roover, tout en tenant le petit jouet en plastique qu’il a placé ostensiblement sur son pupitre pendant les heures que durèrent les débats. C’est toute l’amphibologie du concept de Bart De Wever, l’empereur romain avec des chaussures de clown. Il n’est pas que le séparatiste qui dit qu’il est la dernière chance de sauver la Belgique. Il est l’homme qui prétend diriger le pays en dignitas et gravitas alors qu’il s’est rendu célèbre en faisant des blagues sur le string rose d’Elio Di Rupo à la télévision flamande.
Il n’y a pas que sur la taxe sur les plus-values que l’accord de gouvernement vendu comme le plus précis de l’histoire, est imprécis.
Et il n’y a pas que sur le budget, les versions multiples de ses tableaux et ses effets retours cubiques, que le faux se brandit aussi crânement sous l’Arizona. Il n’y a pas que sur la taxe sur les plus-values que l’accord de gouvernement est imprécis, alors que les négociateurs l’avaient vendu comme le plus précis de l’histoire afin qu’une fois voté il ne laisse plus guère de place aux discussions. Il n’est clair pour personne sur plusieurs aspects. Il est encore instable aujourd’hui sur certains points, même après le vote de confiance. Si bien que les négociateurs d’hier expliquent posément aujourd’hui que l’accord de gouvernement a volontairement été laissé imprécis sur certains aspects afin de laisser de la place aux discussions, mais personne ne leur en veut.
A la Chambre, le très sérieux ministre des Finances, le plus rigide factotum de son hiératique président, un ancien consultant en informatique qui a toujours des costumes gris –que peut-on trouver de plus rigoureux dans ce monde–, a commencé les débats sur la confiance en disant qu’il pensait que la version valide de l’accord du gouvernement était la dernière en néerlandais que les députés aient reçue. Puis il a insulté un député du PTB, dont il a dénoncé en hurlant «l’inflation de mensonges». C’était si vrai que le lendemain, Jan Jambon a présenté ses excuses, pas pour les hurlements et les insultes, mais parce que le PTB avait raison et lui pas, et personne ne lui en veut.
Et la ministre des Entreprises publiques tout aussi sérieuse que son collègue en costume gris, représentante d’un parti parler-vrai gestionnaire, nuancé et positif, a traité un député PS de menteur, il avait dit que Les Engagés avaient promis que les travailleurs gagneraient 450 euros de plus par mois. Il avait raison, elle tort, Les Engagés l’avaient promis, et elle n’a même pas présenté d’excuses, elle n’y est pas tenue, et personne ne leur en veut. Pas encore. Parce qu’aucun observateur n’a encore osé remarquer que l’Arizona n’est déjà qu’un cirque diffusé sur VTM et maquillé en Forum romain.
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