Anne Lagerwall
Le Groenland, bientôt annexé par les Etats-Unis? (chronique)
Si le projet d’annexion du Groenland était mis à exécution par Donald Trump, il serait nul juridiquement et les Etats du monde entier auraient l’obligation de refuser d’en reconnaître la validité.
Deux semaines avant son investiture comme président, Donald Trump a tenu une conférence de presse durant laquelle il a souligné que les Etats-Unis devaient prendre le contrôle du Groenland pour des raisons de sécurité nationale, y compris de sécurité économique. Un journaliste lui a demandé s’il pouvait garantir au monde qu’il n’userait pas à cette fin de moyens de contrainte économique ou militaire. Il a répondu qu’il ne le pouvait pas. L’intérêt de Donald Trump pour le Groenland n’est pas nouveau. En 2019, The Wall Street Journal avait eu vent de son idée de l’acquérir, suscitant la réaction de la Première ministre du Danemark qui avait exclu un quelconque arrangement à cet égard. Cette fois, c’est l’éventualité d’un recours à la force militaire et économique qui a choqué. Et il paraît opportun de déterminer ce que le droit international prévoit à ce sujet.
Rappelons d’emblée que le Groenland jouit d’une autonomie importante mais reste, à ce jour, partie intégrante du territoire du Danemark. Une éventuelle annexion du Groenland par les Etats-Unis met donc en jeu la souveraineté du Danemark, en plus des droits du peuple groenlandais. Or, depuis l’adoption de la Charte des Nations unies, il est formellement interdit aux Etats de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout Etat, ou de toute manière incompatible avec les buts des Nations unies. Le Conseil de sécurité et l’Assemblée générale des Nations unies ont en outre rappelé fréquemment le principe de l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la force. Les Etats-Unis ne peuvent dès lors ni user de la force ni même menacer de le faire pour annexer le territoire du Groenland. Et si d’aventure, ce projet était mis à exécution, il serait nul juridiquement et les Etats du monde entier auraient l’obligation de refuser d’en reconnaître la validité, comme ils l’ont fait face à l’annexion du Koweït par l’Irak en 1990 ou l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.
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Est-il en revanche possible, en droit international, que le Groenland soit cédé aux Etats-Unis? Il n’est pas interdit à un Etat de transférer à un autre une partie de son territoire, à l’instar de la Belgique qui a accepté en 2016 que les Pays-Bas intègrent une dizaine d’hectares. Pour ce qui est du Groenland dont la superficie est 60 fois plus étendue que le territoire belge, toute cession nécessiterait à la fois l’accord du Danemark et du Groenland, d’après le droit international et la loi danoise qui a reconnu puis renforcé l’autonomie du Groenland et ses pouvoirs de décider des questions qui le concernent. Une telle cession devra du moins résulter d’un accord fondé sur la volonté librement exprimée par les parties et toute contrainte ayant pour effet de forcer un tel accord rendrait ce dernier caduc. Une telle perspective paraît à ce stade bien hypothétique même si certains responsables danois et groenlandais imaginent pouvoir tirer parti de l’intérêt exprimé par le président Trump. Quant à la population du Groenland, on imagine qu’elle est bien consciente des risques qu’une domination en remplace une autre.
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