Benjamin Hermann
Extrême droite: prendre le pouls, oui, mais aussi éviter de rendre les armes
L’extrême droite s’apprête à remporter les élections en Belgique. On peut leur chercher des excuses et analyser la lame de fond, mais il n’est peut-être pas inutile de rappeler aux électeurs du Vlaams Belang la nature du parti pour lequel ils votent.
Dans un mois, en Flandre, un électeur sur quatre votera pour un parti d’extrême droite. De ce fait, ces électeurs seront les mieux représentés à la Chambre. Et davantage encore au Parlement flamand. Ce sera sans doute un peu plus ou un peu moins. Les conjectures se fondent sur des sondages, nécessairement approximatifs. On se prend à rêver d’un apéro, au soir du 9 juin, durant lequel on lèverait son verre à la débandade spectaculaire du Vlaams Belang. Mais convenons que la scène a fort peu de chances de se produire.
Alors on se prépare, en cherchant à comprendre. On prend le pouls. On tend l’oreille. On analyse, on décode, on décrypte. On ne minimise pas. Et au soir des élections, on entendra le message. On en tirera les leçons. On promettra d’apporter les réponses. On fera ce qu’on pourra.
Chercher à comprendre ce qui se joue, la démarche est essentielle bien entendu, qu’elle soit politique, médiatique, académique ou tout simplement citoyenne. Personne, en théorie, ne devrait se contenter d’assister béatement au désastre.
Mais une double tendance, un peu paradoxale, se dessine lorsqu’il s’agit d’interpréter la montée de l’extrême droite. On a un peu trop tendance à tout ramener à soi, comme on a un peu trop tendance à tout attribuer aux autres.
Sans doute ramène-t-on un peu trop à soi, c’est-à-dire à son petit pays (sa petite région, sa petite commune, son petit quartier), des phénomènes qui le dépassent largement. La montée annoncée de l’extrême droite n’est pas uniquement liée à ce que tel parti a dit ou tu, a fait ou négligé, a vu ou ignoré. La crise de la démocratie représentative et la montée des populismes ne se circonscrivent pas à notre cadre domestique, à vrai dire.
Sans doute a-t-on un peu trop tendance à tout attribuer aux autres, dans le même temps. On vote pour l’extrême droite, souvent, parce que les partis traditionnels ont failli, parce qu’on en a marre du système, parce que ce sont toujours les mêmes, parce que plus rien ne va, malgré la prospérité et le quasi-plein-emploi. Parce ce qu’il y a la guerre, parce qu’il y a les migrations, le déclin, les chômeurs, les Wallons, les Bruxellois, le monde complexe et instable, la perte de repères, l’autorité qui s’en va et tout qui fout le camp.
On en oublierait de leur rappeler une vérité toute simple: c’est un parti d’extrême droite, dans ce qu’elle a de plus vilain.
«Encore un dimanche noir: comment en est-on arrivé là?» Dans les autres partis, dans les médias et ailleurs, chacun cherche à les comprendre, ces électeurs. On se penche sur leurs motivations, leur désespoir et leurs aspirations, bien plus qu’on ne le fait pour les électeurs de toutes les autres familles politiques, qui, eux, ne seraient ni en colère, ni insatisfaits, ni en proie au doute, ni complètement paumés.
On en oublierait presque de leur rappeler une vérité toute simple, aux électeurs de ce parti, comme aux électeurs de partis du même acabit. Ce parti pour lequel ils s’apprêtent à voter est un parti d’extrême droite, dans ce qu’elle a de plus vilain.
Dans une démocratie qui a consacré le suffrage universel, les électeurs, seuls dans l’isoloir, sont certes traversés par des phénomènes sociaux qui les dépassent, ils sont également responsables individuellement du geste qu’ils posent. En dépit des excuses qu’ils se trouveront et des motivations qu’on leur attribuera.
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