Joseph Ndwaniye
Corrida ou Yawar fiesta: « Un mouvement d’opposition sur la souffrance infligée aux taureaux se développe »
Au début de l’été, j’ai rendu visite à un ami en vacances à Valence, en Espagne. Il avait planifié une série d’activités.
L’une d’elles m’a sidéré: il me proposait d’assister à une corrida alors que je le considérais, comme moi, ardent défenseur du bien-être animal! Comment avait-il pu imaginer que cela puisse me faire plaisir? Je lui ai rappelé, puisqu’il semblait l’avoir oublié, que je ne supportais pas de voir souffrir un animal et encore moins d’assister à sa mort. «Pourtant, tu m’as dit que tu étais l’égorgeur de poules attitré chez ta grand-mère à l’âge de 7 ans», m’a-t-il rappelé. «C’est vrai, mais là, il ne s’agit pas d’un spectacle, encore moins de faire souffrir l’animal. On l’abat dans le simple but de se nourrir!» Il a alors cherché à se dédouaner en m’expliquant l’origine et le sens de cette tradition espagnole.
Un mouvement d’opposition se développe. Il porte sur la souffrance infligée aux taureaux.
Elle remonte à des rituels antiques au cours desquels un taureau était sacrifié en l’honneur des dieux. Les courses de taureaux étaient populaires en Espagne dès le Moyen Age. Cela impliquait de faire courir les taureaux dans les rues, et les participants devaient démontrer leur habileté à éviter de se faire encorner au cours de ces folles cavalcades. Au fil du temps, ces courses ont mué en spectacles plus structurés. Ils se déroulaient dans une arène, mettant en scène des toreros qui évoluent avec habileté autour du taureau et exécutent des passes élégantes. Au XVIIIe siècle, la corrida a pris une forme encore plus codifiée avec des règles et des rôles bien définis pour les participants, y compris les picadors (cavaliers armés d’une pique) et les banderilleros (toréadors qui plantent des banderilles dans le taureau).
Les défenseurs de la corrida la justifient comme une tradition ancestrale, partie intégrante du patrimoine culturel. C’est pour eux un symbole de l’identité nationale et de la fierté espagnole. L’élégance des matadors est perçue comme une forme d’art qui a inspiré de nombreux écrivains, musiciens, peintres et danseurs. En outre, la corrida est un événement social majeur, rassemblant des communautés, des familles et des touristes venus du monde entier. Elle contribue également à l’économie locale.
Bien que ces corridas soient très populaires, un mouvement d’opposition se développe. Les critiques portent sur la souffrance infligée aux taureaux. Ils subissent des blessures graves, parfois mortelles. Les méthodes utilisées pour les affaiblir avant l’entrée en scène du torero, telles que le banderillage et le piquage par les picadors, sont souvent dénoncées comme cruelles. Cette polémique a pris de l’ampleur, au point de conduire à des débats législatifs dans plusieurs pays et régions.
Conséquence de la colonisation, la corrida a gagné certaines régions d’Amérique latine qui l’ont adaptée. Lors d’un récent voyage au Pérou, j’ai découvert cette pratique: la Yawar fiesta (la fête du sang). Sur la place principale d’un petit village, un condor est attaché sur le dos d’un taureau par les pattes, cousues dans la peau de l’animal qu’il picore et qui se débat. Les toreros tirent le taureau de part et d’autre en agitant un tissu de couleur. La séquence est courte. Le condor et le taureau survivent généralement et sont libérés à la fin. Il s’agit d’une représentation symbolique du pouvoir des peuples andins (le condor) sur les Espagnols (le taureau).
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