Le Vif

Conflit Israël-Hamas: les hôpitaux, cibles légitimes durant les hostilités? (chronique)

Le bombardement de l’hôpital al-Shifa, dans la bande de Gaza, constitue-t-il une violation du droit international humanitaire?

D’après l’OMS, l’hôpital al-Shifa, dans la bande de Gaza, abritait jusqu’à récemment environ six cents patients, deux cents à cinq cents soignants ainsi que 1 500 personnes déplacées. Cet hôpital a été bombardé début novembre, d’après des médecins qui y travaillent. Si Israël a admis avoir visé une ambulance quittant l’hôpital, arguant qu’elle était utilisée par le Hamas pour véhiculer ses combattants ainsi que leurs armes, l’Etat nie avoir ciblé l’hôpital. Il reconnaît par contre que les forces militaires israéliennes l’ont encerclé et isolé durant plusieurs jours avant d’y pénétrer le 15 novembre. Du point de vue des autorités israéliennes, l’opération a respecté les règles du droit des conflits armés.

Les hôpitaux bénéficient d’une protection particulière et doivent être respectés en toutes circonstances.

La plus importante de ces règles est le principe de distinction qui oblige les Etats comme les groupes armés à ne diriger leurs attaques qu’à l’encontre des objectifs militaires, à l’exclusion de tous les autres biens considérés comme des biens civils. Les hôpitaux bénéficient d’une protection particulière et doivent être respectés en toutes circonstances. Pour plusieurs Etats, cette protection implique non seulement que les hôpitaux ne peuvent pas être pris comme cibles mais également que leur fonctionnement ne peut être entravé. Il est vrai que les hôpitaux peuvent perdre cette protection s’ils sont «employés, en dehors de leurs fonctions humanitaires, pour commettre des actes nuisibles à l’ennemi» selon les termes de la règle 28 du droit international humanitaire coutumier, applicable à tous les conflits. Cela peut éventuellement justifier qu’on y pénètre pour empêcher de tels actes par des moyens proportionnés mais cela ne fait pas de l’ensemble du site, un objectif militaire qui pourrait être ciblé ou démantelé légitimement et cela n’enlève pas aux blessés ou aux malades qui y sont soignés leur qualité de civils dont la protection reste impérative.

Lorsque des soldats israéliens avaient détruit des ambulances et blessé plusieurs médecins en 2002, la Cour suprême israélienne avait souligné qu’il convenait d’établir un équilibre entre la menace implicite d’éventuels combattants armés à bord et l’obligation juridique de respecter le traitement des malades et des blessés. Pour la Cour, un tel équilibre devait prendre en considération, entre autres, l’imminence et la gravité de la menace. L’obligation de garantir l’aide médicale et de ne pas viser le personnel médical a été rappelée en 2009 lorsque la même Cour s’était penchée sur des attaques ayant entraîné la mort de plusieurs docteurs et empêché l’approvisionnement des hôpitaux dans la bande de Gaza en médicaments, en eau potable et en électricité. Dans ces deux affaires, les juges israéliens avaient reconnu que ces principes du droit international s’appliquaient, même s’ils n’avaient pas estimé qu’Israël les avait violés en l’espèce.

L’hôpital al-Shifa constituait-il une menace pouvant justifier une opération impliquant l’évacuation de centaines de blessés et de malades dont l’état de santé dépendait des soins qui y étaient prodigués? Cela n’a rien d’évident. A défaut de pouvoir l’établir clairement, cette opération constituerait une violation du droit international humanitaire dont l’Etat israélien ainsi que ses agents pourraient être tenus pour responsables.

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