Nicolas De Decker
Communautarisme et ouverture, courage politique et électoralisme…: ces doublets débiles qui font les idéaux reçus
On mesure facilement la bêtise d’un terme employé dans le langage politique en le mettant face à son contraire. C’est le principe des doublets débiles.
Le langage politique fourmille de doublets inversés. Ces doublets sont des termes de forme différente mais de sens similaire, sens qui ne se révèle que par l’identité de l’énonciateur et de son adversaire. Ils brouillent la compréhension des choses, puisqu’ils décrivent des situations parfaitement identiques mais qui sont connotées positivement ou négativement selon les intérêts de celui qui en parle. Ils sont énervants parce qu’ils cachent une mauvaise foi que seuls les militants les plus bornés ne peuvent pas voir une fois que, pour la révéler, on expose chaque terme du doublet au miroir de son reflet inversé.
On pourrait les ranger, ces doublets, dans un dictionnaires des idéaux reçus. Celui-ci ne renfermerait que des doublets recelant deux termes à la charge inverse.
Ainsi de l’électoralisme que l’on prête à un adversaire et qui consiste à lui reprocher de faire quelque chose afin de ne pas perdre les élections, tandis que le courage politique, lui, consiste à se décrire en train de faire quelque chose afin de ne pas perdre les élections. On ne comprend vraiment le sens de cette notion d’électoralisme qu’en l’opposant à son inverse, on ne saisit la charge fallacieuse des deux termes que lorsqu’on les intègre dans leur doublet. L’électoralisme, c’est ce que mes adversaire font pour gagner les élections; le courage politique, c’est ce que moi je fais pour gagner les élections.
De même, on ne comprend vraiment la portée tout à fait nulle de la qualification de pragmatisme, qui caractérise une situation dans laquelle j’ai changé d’avis, que lorsqu’on l’oppose à celle d’irresponsabilité, qui caractérise une situation dans laquelle mon adversaire a changé d’avis.
Ce doublet des pragmatiques contre les irresponsables croise celui des dogmatiques contre les loyaux ou les cohérents, le dogmatique étant mon adversaire quand il respecte les idéaux de son parti et défend les catégories sociales qu’il représente au point de me contredire, tandis que le loyal ou le cohérent, c’est moi, quand je respecte les idéaux de mon parti et défends les catégories sociales que je représente au point de contredire mon adversaire.
De même, on ne saisit vraiment la portée de la prévention de communautarisme, qui décrit une situation dans laquelle mon adversaire prend des positions susceptibles d’attirer à lui des électeurs dont les origines plus ou moins lointaines ne sont pas occidentales, que lorsqu’on la fait coudoyer avec prétention à l’ouverture, qui porte sur une situation dans laquelle je prends des positions susceptibles d’attirer à moi des électeurs dont les origines plus ou moins lointaines ne sont pas occidentales.
A ce moment précis, mon adversaire se livre à des petits jeux politiciens tandis que je n’aspire qu’à une saine confrontation des idées.
A ce moment précis, mon adversaire, lui, se livre à des petits jeux politiciens tandis que je n’aspire qu’à une saine confrontation des idées. Moi, j’opère une salutaire clarification tandis que lui, il entraîne le débat public vers la polarisation. Il est un politicien et moi un homme d’Etat, je suis un orateur et lui un démagogue, je produis des propositions, lui des slogans, il propose des petites phrases, moi du concret.
Communautarisme et ouverture, dogmatisme et cohérence, pragmatisme et irresponsabilité, tous ceux-là et les suivants composent alors les premiers doublets d’un dictionnaire des idéaux reçus qui fabrique autant des déçus qui le liraient qu’il ne protège les élus qui l’alimentent, bien blindés derrière leur bunker de langue de bois.
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