Bertrand Candelon

Comment l’intelligence artificielle révolutionne les banques (chronique)

Bertrand Candelon Professeur de finance à l'UCLouvain et directeur de la recherche Louvain-Finance.

L’intelligence artificielle (IA) est en train de s’imposer, à l’image autrefois du taylorisme ou des ordinateurs, comme une révolution majeure de notre mode de vie et de notre travail.

Grâce à l’augmentation de la puissance de calcul, à la disponibilité d’un grand nombre de données sur le Web et aux progrès des algorithmes, les ordinateurs sont maintenant capables d’accomplir des tâches plus rapidement et, surtout, avec une meilleure qualité que les humains. L’intelligence artificielle va nous permettre de nous débarrasser des activités les plus ingrates pour nous concentrer sur celles avec plus de valeur ajoutée. Les experts s’attendent donc à une augmentation élevée de la productivité du travail.

Le secteur bancaire n’échappe pas à cette révolution. La mise en place d’algorithmes est déjà répandue chez les conseillers financiers. Elle leur permet de mieux connaître les caractéristiques de leurs clients, de pouvoir octroyer un maximum de temps à offrir des services mieux adaptés et à proposer un accompagnement plus individualisé. Cette utilisation de l’IA pour la finance rend donc les conseils plus universels et inclusifs, ce qui permettra, à terme, de potentiellement résoudre les problèmes d’asymétrie d’information, souvent délétères et à l’origine des crises bancaires dans le passé. L’offre de service bancaire évoluera donc, tout comme sa localisation. L’IA permettra un contact continu et dématérialisé avec son conseiller (ou son chatbot) afin de faire face à tout type d’urgence. Les rendez-vous physiques dans des agences appartiendront bientôt au passé, comme l’illustre la diminution par deux du nombre d’agences en Belgique en dix ans.

L’explosion des fintechs (banques en ligne, conseils de placement digitalisé…) utilisant l’IA témoigne du caractère irréversible de cette évolution. Un récent document de travail du FMI (Ben Naceur et al. 2023) montre que les fintechs gagnent des parts de marché par rapport aux banques classiques, en offrant des services moins chers et plus performants. Cette concurrence pourrait avoir des effets positifs significatifs pour les clients belges, en matière de frais bancaire ou de rémunération de l’épargne. En effet, la concentration bancaire étant particulièrement importante dans notre pays, le pouvoir de négociation des clients par rapport à celui des banques est réduit.

Même si l’impact de l’IA dans le secteur bancaire semble être largement positif pour l’économie, il est important pour les autorités d’être particulièrement attentives à plusieurs risques. Tout d’abord, à celui lié à la cybersécurité. Un piratage, une manipulation des algorithmes ou une divulgation des données privées pourraient avoir des conséquences gravissimes. De même, les fintechs, qui sont des entreprises dématérialisées, pourraient être tentées de contourner la régulation bancaire en s’installant dans des paradis réglementaires. La stabilité financière pourrait alors être affectée. La population, elle, devra adapter son mode de travail à cette révolution, en travaillant peut-être moins grâce à l’augmentation de la productivité, mais aussi de manière différente à horaires décalés ou à différents endroits (nomadisme).

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