Gérald Papy
C’est la hess de Gérald Papy : les hooligans n’étaient pas au Stade de France (chronique)
La gestion de la finale de la Ligue des champions fut certes chaotique. Mais le vrai problème, c’est la violence dans les stades, et le regain de hooliganisme. Un « mal profond qui doit inquiéter », selon Gérald Papy, rédacteur en chef adjoint du Vif.
C’est l’histoire d’un match de foot, couronnement d’une compétition européenne jalousée à travers le monde pour son très haut niveau, qui se transforme en fiasco organisationnel aux dépens du pays hôte, toujours enclin à donner des leçons de professionnalisme, sur un continent qui, épargné par les tueries de masse qui ne cessent d’endeuiller son vis-à-vis transatlantique, ambitionne d’être un havre civilisationnel de paix et de progrès.
Les ingrédients du possible écueil que représentait la finale de la Ligue des champions au Stade de France, à Saint-Denis, étaient pourtant connus. Des supporters du club anglais de Liverpool habitués à venir sur le théâtre des exploits de leur équipe sans tickets ; la demande, soit naïve soit suspecte, des dirigeants de Liverpool à l’Union européenne des associations de football (UEFA) de prévoir une majorité de billets d’entrée en format papier plutôt qu’en version digitale ; le probable trafic de tickets auquel cette décision conduisait, entraînant l’interdiction d’accès au stade à des fans sincèrement floués et dépités ; une grève sur une ligne du RER provoquant un afflux de supporters sur une même voie ; l’opportunité de larcins qu’offrait cet événement de masse à des voyous…
Autant de facteurs qui auraient pu être anticipés mais qui ne l’ont été qu’imparfaitement ou pas du tout. Résultat: organisation débordée, heurts, intervention disproportionnée des CRS, critiques virulentes de citoyens et de dirigeants britanniques, discrédit de l’image de la France, inquiétudes quant à sa capacité à organiser la Coupe du monde de rugby en 2023 et, plus encore, les Jeux olympiques en 2024.
Comme souvent en France et ailleurs aussi, beaucoup de parlotes, peu d’effets.
Campagne pour les législatives aidant, l’échec, réel et qui pose de vraies questions, est décortiqué, débattu souvent très superficiellement, instrumentalisé, exploité avec des relents de discrimination raciale. Comme souvent en France, et ailleurs aussi, beaucoup de parlotes, peu d’effets. Un traitement médiocre encouragé, il est vrai, par le déni de l’introspection très macronien opposé par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et par le préfet de Paris, Didier Lallement, alors que les incidents ne peuvent pas avoir eu pour seule cause le trafic de faux tickets avancé par le premier et qu’un débat ouvert et serein pourrait in fine démontrer que l’action du second, malgré sa propension à défendre inconditionnellement les interventions musclées de ses agents, a évité un drame comparable à celui du Heysel, le 29 mai 1985. Les supporters de Liverpool à Paris n’avaient heureusement pas le même profil que leurs prédécesseurs présents à Bruxelles.
En réalité, l’impression prévaut que le plus urgent des problèmes en matière d’organisation de compétitions de foot ne réside pas dans la gestion erratique de la finale de la Ligue des champions, remédiable lorsque les dysfonctionnements auront été bien analysés, mais dans les violences qui, le lendemain, ont entaché pour la ixième fois de la saison un match de la Ligue 1 française, celui entre Saint-Etienne et Auxerre pour le maintien ou l’accession au sommet de l’élite. Les stades de Nice, Lyon, Lens, Marseille, Paris FC ont ainsi été le théâtre d’un regain de hooliganisme que le sevrage dû à la crise du Covid ne peut pas expliquer à lui seul. D’ailleurs, quand des supporters imaginent de parodier une chanson pour ironiser sur la mort accidentelle d’un ancien joueur d’une équipe adverse (l’Argentin Emiliano Sala, de Nantes, dans le crash d’un hélicoptère, le 21 janvier 2019), c’est que le mal au sein de la société est très profond et doit, lui, inquiéter.
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