Thierry Fiorilli

C’est beau comme quand Mathilde est venue (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

C’est un matin, ciel incertain, dans un zoning du Brabant wallon. Sur le parking de Realco, une biotech belge, un policier et son chien inspectent chaque mur, chaque fourré, autour de chaque véhicule, quatre autres filtrent tout qui entre. Porte franchie, on constate une tension, mais bien contrôlée.

Les quelques journalistes, que des hommes, photographes surtout, en plus de TVCom, la télé régionale, sont regroupés dans une salle où attendent café et viennoiseries. Le gouverneur de la province, Gilles Mahieu, écharpe tricolore à la main, s’y installe aussi. On y parle voitures électriques, bornes de rechargement, panneaux photovoltaïques. Les photographes informent de ce que ça leur coûte, ce qu’ils épargnent, ce qu’il faut prendre en compte, toutes ces choses. On nous avertit alors qu’on ne pourra finalement assister qu’au tout début de la table ronde, au premier étage. Quarante minutes, selon le programme. Après, on pourra suivre la visite des lieux.

On a beau embrasser la reine, il y a école mon petit lapin.

On entend des sirènes. Deux motards. Puis deux Land Rover noirs, avec encore deux motards derrière. Elle est là. La reine. Les objectifs suivent son accueil par le gouverneur (qui a vite ceint l’écharpe) et le patron des lieux, puis son entrée dans le bâtiment. Où la fille du CEO l’attend, avec un bouquet, devant une partie du personnel, bien aligné. Bisou à la petite, «merci pour ces jolies fleurs, comment tu t’appelles, tu es avec ta maman?» «Non, c’est la grand-mère qui est là.» Grands sourires royaux. On monte, dans une salle avec une dizaine de personnes, toutes expertes en bien-être au travail, donc majoritairement des femmes. La reine s’assied, sourit, remercie, rappelle que la problématique, qui est l’objet de la table ronde, l’intéresse au plus haut point, et son service d’ordre, des gaillards en costume et oreillette, nous presse d’évacuer.

On redescend. La grand-maman et la petite fille, gros cartable sur le dos, partent, parce que, «on a beau embrasser la reine, il y a école mon petit lapin». Nous: re-café, re-croissants et discussions sur l’évolution technologique du matos photo. Presque une heure et demie. Donc, la discussion est passionnante là-haut. Puis, go: la visite. Mathilde, très grande, s’adresse d’abord à deux dames dans un bureau, qui, debout, lui répondent, la plus ancienne avec calme, la plus jeune un rien stressée. Après, le cortège enfile des couloirs vitrés, sous le regard amusé, de l’autre côté, de ceux qui bossent.

Arrêt dans un labo où, juste après, la plus jeune demande au plus ancien si «ça a été, j’ai bien répondu?», «t’étais super», frappes dans les mains des deux blouses blanches. Puis, un hangar, deux gars qui expliquent et fin de la ronde. Encore une photo de groupe, avec les expert(e)s, «merci pour tout, merci, merci». La reine, son escorte et les photographes partis, on se relâche. On débriefe déjà, on respire comme après un examen, on rit comme à l’évocation d’une sacrée fête passée. Rien n’a dérapé, malgré les talons aiguilles royaux. Voilà même un brin de soleil.

Ce matin-là, dans la petite entreprise du Brabant wallon, où le bien-être au travail est jugé si essentiel que le taux d’absentéisme n’y est que de 4%, contre 7% de moyenne belge, tout le monde était content. Parce que, pour comprendre comment on s’y est pris et pour écouter d’autres qui y veillent scrupuleusement aussi, Mathilde est venue. Et c’était beau de les voir.

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