Thierry Fiorilli

C’est beau comme les saveurs de l’été (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Bomboloni. C’est le titre de l’album d’Aurélie Saada, l’une des deux chanteuses du groupe Brigitte, sorti l’année dernière. Sa plage titulaire, comme on dit, aussi.

Et ça tombe bien, parce que bomboloni signifie « beignets » en italien, et que c’est l’un des incontournables de l’été, là-bas, l’après-midi, passé 16 heures, quand on est sous le parasol, sur le sable.

Un monsieur qui passe sa vie au soleil, à en juger par le cuir de sa peau, slalome entre les serviettes étalées et annonce à tout-va « Bombolooooni ». Les enfants relèvent la tête, les parents et grands- parents fouillent leur porte-monnaie, un petit signe de la main et le monsieur tanné sort de sa grande boîte ces beignets de la taille d’un donut, mais sans le trou au milieu parce qu’il est fourré (au chocolat c’est le meilleur, sans discussion) et avec du sucre en flocons dessus. Pas sûr qu’on en raffolerait en avril, en chandail, mais avec le grand bleu devant, en maillot, c’est incomparable. Inoubliable.

Cette magie, c’est la force estivale, vacances ou non, canicule ou pas, ici ou loin : elle grave en nous des moments qui ne sont peut-être que des miettes à l’échelle d’une vie mais pour toujours, parce qu’il est hors de question ne fût-ce que de penser à les épousseter.

Ces miettes-là, c’est de la poudre d’or. Qui se faufile, aussi, par le goût.

Les cerises du jardin voisin, la glace du marchand ambulant, la pastèque en quartiers, la menthe à l’eau, la feuille de basilic, les pêches sorties de l’eau du saladier posé sur la table, les trucs grillés en plein air… Certains ajoutent le petit verre de blanc ou de rosé sous la tonnelle, la gorgée de bière au zinc, la cigarette ou le biscuit salé après le plongeon dans la mer, le premier baiser un après-midi d’août… Tout ce qui n’a jamais exactement la même saveur si le ciel n’est pas d’été.

Parce que le rythme s’alanguit, que les rangs s’éclaircissent ou, au contraire, qu’on est bien plus entouré, parce que c’est le temps des découvertes, des pauses, des déplacements – même au coin de la rue – et d’une sorte de relâchement et d’emballement à la fois, les papilles sont saupoudrées de ces si singulières impressions qu’ailleurs, l’herbe est plus verte, le pain plus moelleux, le linge plus doux, la lumière plus chaude, les jouets plus fun, le doré plus croustillant.

C’est donc une saison qui se déguste, qui se dévore ou qu’on grignote. Où on goûte jusqu’aux textures, aux parfums, aux couleurs, aux mélodies et aux images.

Dont les mets peuvent réconforter, rappelle Aurélie Saada dans sa chanson toute douce, toute en sucre, donc plutôt faite, outre de bombolini, de fruits, de brioches et de sablés :

« Viens dans mes bras, je vais te consoler

J’ai des recettes pour oublier

Des cornes de gazelle, des montecaos, des babka

Des dattes et du miel, des roses en chocolat

Des bombolonis à s’en lécher les doigts. »

Elle dit même, mi-maternelle, mi-polissonne : « Je ferai la magicienne sur ta langue et dans ta bouche. »

L’été, donc.

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