Thierry Fiorilli

C’est beau comme La cabane du cerisier (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

Gabriele Ghio vit depuis cinq ans dans une cabane perchée dans un arbre. Un  » baron perché  » des temps modernes.

C’était les premiers jours de 2017. Gabriele Ghio, passionné de moteurs et de vitesse, réparait son 4×4, glissé dessous. Le cric est tombé. Le Turinois, 35 ans, en a réchappé. Mais ça lui a valu des mois d’hôpital. C’est là qu’il a capté que «quelque chose n’allait pas, que je vivais une vie qui n’était pas la mienne». Alors, c’est décidé, une fois sorti, il changera d’existence. Ça a commencé moyen: relation amoureuse finie et bail d’appartement non renouvelé. Un ami lui propose d’aller passer quelques jours dans une cabane en bois, construite dans un arbre pour ses enfants. Gabriele refuse: il a pris une grande résolution, mais pas à ce point.

Après un moment, entre le «pourquoi pas au fond?» et le «de toute façon, j’ai pas trop le choix», il finit par accepter. «C’était le 31 juillet, en fin d’après-midi. Je suis sorti de mon 4×4, après avoir roulé sur un sentier de forêt. J’avais un sac, avec des vêtements pour une semaine, maximum. La cabane était dans un cerisier. Abandonnée, six mètres carrés, avec des insectes morts, sur le sol, et des toiles d’araignée, partout. J’ai mis des briques en piles, j’ai posé ma planche de surf dessus et j’en ai fait mon lit.»

Mais la nuit est difficile. Pleine de bruits, inconnus. Quelqu’un, ou quelque chose, s’approche. Gabriele se rue dans le 4×4 et ciao tout le monde. Mais pour aller où? Il retourne dans l’arbre. Deux ou trois matins plus tard, deux écureuils provoquent l’étincelle. «Je venais de me réveiller. Je les ai observés jouer sur une branche. D’une façon si sincère, si authentique. Je me suis dit: “Je veux voir ça tous les jours.”»

Gabriele, 40 ans, moniteur d’auto-école, chez lui.
Gabriele, 40 ans, moniteur d’auto-école, chez lui. © National

Et donc, Gabriele est resté dans la cabane du cerisier. Il l’a retapée et meublée. Il a installé un chauffage à pellets, qui lui fournit l’électricité. Il prenait ses douches, chaudes, à la salle de sport. Jusqu’à la pandémie et ses confinements. Alors, il en a fabriqué une, avec des bambous, sous la cabane. L’eau est très froide, surtout l’hiver, mais il s’y est fait, et ça lui donne une impression folle de liberté, de vérité, de pureté, d’osmose avec la nature.

Gabriele a la moustache soignée, un ordinateur portable et toujours son 4×4. Il est moniteur d’auto-école. Il dit qu’il a appris les saisons, les couleurs, le silence, les sons, les battements de cœur de la forêt. Qu’ils lui permettent de supporter la frénésie de la ville. Qu’il n’y a, là, ni préjugés, ni titres, ni barrières. Que la cabane a beau être toute petite, l’espace y est infini. Qu’il a eu peur de la solitude, mais qu’il ne l’a jamais ressentie. «En tout cas moins qu’en voyage ou en discothèque.» Qu’il n’est ni un sage ni un ermite. Plutôt quelqu’un qui a la chance de vivre ses rêves. Il en a fait un livre, qui vient de sortir, en Italie. Pour que, peut-être, d’autres envoient valser normes et morne.

Lui, il voudrait déménager. Dans un autre arbre. Dans une cabane qu’il construirait, lui. «Avec un peu plus de confort, sourit-il. Comme l’eau, à l’intérieur. Pour moi et la famille que j’aurai.» Son histoire prouve qu’on peut faire de sa vie une œuvre d’art.

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