Thierry Fiorilli
C’est beau comme… le cécifoot (chronique)
Aux jeux paralympiques de Paris, un gros, gros coup de cœur pour le cécifoot.
Suivre les épreuves des Jeux paralympiques, qui viennent de se terminer à Paris, est un émerveillement. Parce que ce qu’y accomplissent les athlètes est phénoménal, absolument, toutes disciplines confondues. Mais tout de même, gros, gros coup de cœur pour le cécifoot, qu’on a découvert, là, alors que ça fait pile 20 ans qu’il est devenu sport officiel des JO réservés aux sportifs présentant un handicap physique, qu’il est pratiqué depuis… plus de 100 ans et que la Belgique a son équipe nationale, les Blind Devils.
Le cécifoot, c’est du football en salle, deux équipes de cinq joueurs (il n’y a pas encore d’équivalent féminin) non-voyants ou malvoyants –hors le gardien, qui, lui, voit bel et bien. Tous les joueurs de champ portent un masque, pour qu’aucun ne soit avantagé et pour protéger la vision résiduelle de certains. Le ballon contient un grelot, pour que les équipes puissent le situer, à l’ouïe. Le terrain mesure grosso modo 40 mètres sur 20 mètres, avec des panneaux, gonflables, le long des lignes, pour que le ballon ne sorte jamais et que personne ne se blesse. On dispute deux mi-temps, de 15 minutes chacune, avec les mêmes règles qu’au foot en salle classique et cinq remplaçants, dont un gardien.
Assister à un match, c’est vivre quelque chose d’extraordinaire.
Le cécifoot, c’est le plus beau symbole, la plus belle réalité, de ce qu’on appelle un sport collectif.
Parce que ces masques donnent à ces grands gaillards une allure d’une infinie vulnérabilité. Et parce que, dès qu’ils sont en action, comme des fauves qu’on lâche, ces types qui nous serraient le cœur jusque-là, tout hésitants, avançant à tâtons ou au bras de quelqu’un, quelle vitesse! Quelle virtuosité, balle au pied! Quels gestes techniques (roulettes, crochets, petits ponts, contrôles, tirs en finesse dans la lucarne, dribbles, combinaisons)! Quelle perception de l’espace! Et, surtout, quel ensemble de codes et de rôles, qui permettent à l’équipe de fonctionner, en évoluant à un niveau stratosphérique!
Les codes, verbaux, sont ceux que doivent adopter les joueurs pour s’échanger les informations sur leur placement et sur le jeu, qu’ils ne distinguent pas du tout visuellement: le gardien, qui voit tout, lui, dirige par la voix les siens, en fonction des positions de l’adversaire; et les quatre équipiers se signalent aux autres notamment par des «voy» –pour «je suis ici»– et des «j’ai» (dans la langue de leur pays)– pour «j’ai le ballon».
Les rôles, qui passent par le son eux aussi, sont ceux qu’endossent tous les protagonistes autour du terrain: le public doit se taire (sauf pour célébrer les buts, évidemment), ce qui le fait se lancer dans des ola silencieuses durant le match; et lors de coups de pied arrêtés –un penalty ou un coup franc–, un membre de l’encadrement de l’équipe se place à côté du but adverse, tape sur les poteaux du goal pour que le tireur estime sa localisation et lui décrit oralement l’espace : «Tu es à X mètres, sur la gauche», «les autres ont placé leur mur à telle distance, décalé d’autant vers la droite»…
C’est tout ça, mis bout à bout, qui rend le cécifoot si touchant et merveilleux. Et qui en fait, assurément, le plus beau symbole, la plus belle réalité, de ce qu’on appelle un sport collectif.
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