Juliette Debruxelles
Cage de chasteté: l’abstinence cadenassée
Ouvrez la cage aux oiseaux, Le Zizi : pour qui sait voir au-delà des coïncidences, le répertoire de Pierre Perret pourrait tendre vers l’ode à la cage de chasteté. On imaginait les Cunégonde et Guenièvre de la fin du Moyen Age emprisonnées dans une ceinture. On doit aujourd’hui se figurer que ce ne sont plus les attributs féminins qui seraient hors d’atteinte, mais bien le membre glorieux. A la faveur de décisions personnelles ou de jeux de soumission, le pénis se trouverait contraint dans un dispositif plus ou moins rigide, de forme phallique et le plus souvent muni d’un cadenas. Une fois en place, le sexe s’y loge dans une attitude passive, empêchant l’érection, la masturbation ou la pénétration.
La taille de l’objet définit la contrainte imposée au pénis: plus c’est petit… plus c’est petit.
Pourquoi se priver de l’utilisation la plus satisfaisante de son anatomie? Par goût de la soumission, par défi aux pulsions, par punition auto-infligée, par plaisir, par déviance assumée ou non, par provocation… Les cages de chasteté sont en vente libre et ne contreviennent à aucune loi tant qu’elles sont portées par des personnes consentantes. Elles existent en différentes tailles et en une variété de matériaux et modèles.
Avec la cage de chasteté, « bienvenue en prison »
Un site de vente en ligne proposant quatre cents références «de la plus confortable à la plus douloureuse» annonce la couleur: «Bienvenue en prison.» La taille de l’objet définit la contrainte imposée au pénis: plus c’est petit… plus c’est petit. Les noms, évocateurs, doivent faire trembler les adeptes. Comme «La piqûre» dans laquelle «des vis pointues peuvent être ajoutées pour pimenter votre abstinence». Et la clé? C’est le ou la partenaire qui en dispose. Portée en bijou à la cheville, au poignet, au cou ou rangée dans un endroit dédié, la clé devient le symbole d’une soumission totale et la libération un enjeu répondant à des conditions. L’autre décide si et quand elle aura lieu, ne manquant pas de provoquer l’excitation par diverses stimulations physiques ou mentales.
Les chairs se gorgent, la cage fait son œuvre, la tension est à son maximum et l’interdiction doublée de l’impossibilité de passer à l’acte crée l’intensité et l’obsession. Que faire si le ou la partenaire a, dans la vie, une fâcheuse tendance à paumer son trousseau et à se retrouver «enfermé dehors»? Mettre le double de la clé en sécurité (ce qui est de toute façon recommandé pour les situations d’urgence). Des versions connectées existent, reliées à une appli capable de déverrouiller le système. Mais là encore, prudence: les spécialistes du «il ne reste que 1% de batterie» savent qu’ils vont vivre dangereusement.
Un dispositif hygiénique ?
La cage de chasteté, oui, mais l’hygiène dans tout ça? S’il vous est arrivé de passer une trop longue journée enfermé dans un slip synthétique et de rencontrer quelques émotions, pas besoin de vous faire un dessin. Pour maintenir un niveau de propreté acceptable, le choix de la matière est important. Respirant grâce à ses larges ouvertures, inodore, antirouille, solide et léger, l’acier inoxydable semble recueillir les faveurs des adeptes. Le silicone, lui, facilite les mouvements et est recommandé «aux soumis dynamiques» (sic), mais nécessite de «placer les trous aux bons endroits pour permettre l’écoulement d’urine et l’aération de la peau». Sachant que le temps de port peut aller de quelques minutes à de longs jours ou semaines, se lancer demande d’être bien conseillé. Reste après ceci à redonner. «Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux. Regardez-les s’envoler, c’est beau…»
Juliette Debruxelles est éditorialiste et raconteuse d’histoires du temps présent.
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