Franklin Dehousse

Londres devrait revenir (en partie) sur le Brexit (chronique)

Franklin Dehousse Professeur à l'ULiège

Keir Starmer semble tétanisé par sa volonté de ne pas rouvrir le débat. Pourtant, jamais le contexte n’a paru aussi propice, et aussi nécessaire.

Le gouvernement britannique affronte une série de crises graves après une gestion conservatrice tout à fait calamiteuse, mais il semble incapable de définir une vraie stratégie pour la relation avec l’Union européenne. Certes, il émet des bruits positifs sur la nécessité de mieux coopérer. Mais il ne propose rien de précis, et exprime son opposition tant sur la relance d’un grand rapprochement commercial que sur un retour éventuel dans l’Union européenne. Keir Starmer semble tétanisé par sa volonté farouche de ne jamais rouvrir le débat sur le Brexit.

Pourtant, depuis 2016, jamais le contexte n’a paru aussi propice –et aussi nécessaire– pour le faire. Sur le plan économique, la Grande-Bretagne a subi une hémorragie en croissance, en investissements, en échanges commerciaux et en productivité. Une partie de cette hémorragie constitue la suite directe du Brexit (et de son exécrable gestion entre 2016 et 2020). Sur le plan géopolitique, le retour de Donald Trump rend illusoire toute amélioration de coopération avec les Etats-Unis, ce que les travaillistes ne semblent pas encore avoir enregistré. Sur le plan militaire, la montée de la menace russe rend indispensable un surcroît de coordination avec les Européens.

Par ailleurs, le sentiment du public sur la sortie de l’Union a fortement basculé. Un sondage YouGov de janvier 2025 révèle une perception fortement négative du Brexit sur presque tous les aspects: économie (65% de négatifs, 10% de positifs), coût de la vie (67%, 5%), finances publiques (58%, 8%), immigration (52%, 6%), sécurité nationale (42%, 10%). Il s’agit d’une tendance lourde. Dans ce contexte, le gouvernement Starmer dégage une image pathétique, errant tel Hamlet dans Westminster à la recherche d’une solution non coûteuse pour relancer l’économie britannique. Or, la seule solution puissante et non coûteuse consisterait précisément à réintégrer le marché unique.

Certes, on peut comprendre le souci de ne pas rouvrir le débat de l’adhésion à l’Union pour le moment. En revanche, le marasme britannique justifie pleinement de plaider pour un retour au marché unique, ou au moins à l’union douanière. D’ailleurs, le référendum de 2016 n’avait jamais porté sur le choix du «hard Brexit». Bien au contraire, les partisans de la sortie avaient claironné la possibilité de rester proches de l’Union en matière commerciale. Seules les errances de Theresa May et les obsessions idéologiques de Boris Johnson ont provoqué un exit dur, radicalement opposé aux intérêts des entreprises britanniques. Même Kemi Badenoch, la leader conservatrice, vient de reconnaître que les dirigeants de son parti n’avaient à l’époque aucune stratégie.

Refuser le rapprochement avec l’Union implique pour les Britanniques de se soumettre aux oukases réglementaires et stratégiques des Etats-Unis et de la Chine. Ce seront d’autres contraintes, bien plus désagréables, pour des bénéfices économiques bien plus faibles. Keir Starmer ferait bien de songer à un nouveau référendum, pour donner à ses concitoyens le choix entre ces options.

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