Bertrand Candelon
Bon d’Etat, dette publique et risque de crise bancaire (chronique)
Pour l’économiste Bertrand Candelon, derrière l’émission du bon d’Etat, se cache surtout l’enjeu de la réduction du déficit public.
Le ministre belge des Finances a réussi sa rentrée des classes. Son nouvel emprunt a permis de lever près de 22 milliards d’euros, soit près de 4.5% de l’encours total de la dette publique. Ce bon d’Etat constitue une innovation à deux égards. Tout d’abord, sa maturité est d’un an, alors que, traditionnellement, les gouvernements européens empruntent sur des horizons nettement plus longs, au moins dix ans. De plus, il bénéficie d’un précompte réduit de 15% alors que les autres placements restent taxés à 30%.
Un des principaux objectifs de cette émission obligataire est d’adresser un message au secteur bancaire, qui rechigne à ajuster la rémunération de l’épargne à la suite de l’augmentation des taux d’intérêt. Le ministre des Finances a voulu signaler aux banques qui détiennent plus de 40% de la dette publique et font des marges avec cette activité que l’Etat peut directement se refinancer auprès des résidents et à moindre coût.
Le montant important de la levée du bon d’Etat souligne aussi la confiance des épargnants dans la capacité de l’Etat fédéral à continuer à exister et à rembourser cet emprunt, message clair à quelques mois d’élections cruciales pour l’avenir institutionnel du pays. Enfin, en diminuant la proportion de la dette détenue par des non-résidents, l’émission de l’emprunt obligataire accroît la soutenabilité de la dette publique belge. Il est même prévu que la Belgique réduise significativement la quantité d’emprunts cette année, alors que ceux-ci atteignent généralement 45 milliards d’euros.
Néanmoins, cette émission de dette n’a pas rempli tous ses objectifs.
D’abord, les principales banques n’ont pas augmenté la rémunération des comptes d’épargne. Puis, elles ont vu une partie significative de leurs dépôts disparaître, fragilisant ainsi leur bilan. Il en résultera une réduction de l’octroi de crédit à l’économie (la régulation bancaire impose aux banques de garder un pourcentage de capital pour faire face au risque de crédit) et une augmentation du risque de liquidité, à l’origine, par exemple il y a quelques mois, de la détresse de la Silicon Valley Bank.
Si on ajoute aussi le risque de taux d’intérêt qui a augmenté depuis deux ans, on peut comprendre que cette émission directe de dette augmente significativement le risque de crise bancaire. De même, le choix de la maturité d’un an implique qu’en septembre 2024, l’Etat devra rembourser le principal ainsi que les intérêts de cet emprunt. Pour cela, il devra nécessairement réemprunter à des taux plus élevés, ce qui alourdira la charge de la dette belge. C’est pourquoi les emprunts publics se font généralement à un horizon de plus long terme, d’autant plus que les taux d’intérêt sont en ce moment plus faibles à un horizon de cinq ans qu’à un an, la courbe des taux étant inversée.
On peut donc en conclure que même si Vincent Van Peteghem a réussi sa rentrée des classes, son passage à l’année supérieure est loin d’être garanti. Il passera par le maintien de la stabilité bancaire nécessaire pour accompagner une croissance économique positive et éviter une récession à l’économie belge. Il se jugera surtout à la réduction du déficit public, faute de quoi la dette deviendrait insoutenable. Ce dernier exercice s’annonce nettement plus ardu.
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