Anne Lagerwall
L’attaque aux bipeurs approuvée par Benjamin Netanyahou (chronique)
Le Premier ministre israélien a-t-il la conviction qu’il ne sera nullement inquiété pour les opérations militaires qu’il autorise, même en violation des règles les plus fondamentales du droit international?
En septembre, des dispositifs explosifs installés dans plusieurs centaines de bipeurs et de talkies-walkies supposément utilisés par des membres du Hezbollah au Liban furent déclenchés simultanément afin de les éliminer. Ces explosions ont fait près de 3.000 blessés et ont tué une quarantaine de personnes dont une fillette de 8 ans, un garçon de 11 ans et au moins deux membres du personnel soignant. Il n’est pas surprenant que tant de personnes aient été tuées ou blessées dès lors que ces attaques ont eu lieu en semaine durant l’après-midi dans des supermarchés, des épiceries, des rues fréquentées, des voitures garées à leurs abords ou dans des zones résidentielles. Les hôpitaux ont rapidement pris en charge les personnes touchées. De nombreuses amputations ont dû être réalisées. Le docteur Elias Warrak de l’hôpital universitaire du Mont Liban déclarait à la BBC que pour 60% à 70% des patients, il avait dû procéder à l’ablation d’au moins un de leurs yeux, amenant l’ophtalmologiste à réaliser en quelques jours davantage d’énucléations qu’en 25 ans de carrière.
D’après le droit international, de telles attaques sont interdites à deux titres au moins. D’une part, elles violent le principe fondamental qui exige des parties au conflit qu’elles fassent la distinction entre les personnes civiles et les personnes combattantes afin de ne pas diriger leurs attaques contre les premières. Or, en faisant exploser des centaines d’engins au même moment, on ne s’assure ni de l’identité des personnes ciblées ni du lieu de l’explosion possiblement fréquenté par des civils. D’autre part, ces attaques violent le principe selon lequel on ne peut utiliser, pour mener des attaques, des objets qui ont l’apparence d’objet inoffensifs. Or, en dissimulant dans des bipeurs et des talkies-walkies des engins explosifs, on transforme des moyens de communication en armes. Ces attaques constituent des violations du droit international humanitaire et pourraient être qualifiées de crimes de guerre susceptibles d’engager la responsabilité pénale des individus qui ont participé à leur perpétration.
Le 10 novembre, la presse israélienne rapportait que Benjamin Netanyahou avait affirmé en conseil des ministres qu’il avait donné son feu vert à ces attaques malgré l’opposition de certaines autorités militaires et responsables politiques. Le porte-parole du Premier ministre israélien a confirmé l’information le lendemain. Les propos interpellent en ce qu’ils signalent peut-être la conviction qu’il ne sera nullement inquiété pour les opérations militaires qu’il autorise, même en violation des règles les plus fondamentales du droit international. Rappelons que le 19 septembre, devant le Parlement belge, la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib (MR), n’avait pas condamné ces attaques mais avait appelé toutes les parties à la désescalade, et avait souligné qu’au sujet du conflit du Moyen-Orient, «la Belgique défend de façon constante le respect du droit international, et cela restera notre unique boussole, juste, équilibrée et non partisane». Cette défense du droit international semble plus nécessaire que jamais alors que les décès dus aux attaques israéliennes menées depuis octobre 2023 se comptent en milliers au Liban et en dizaines de milliers à Gaza.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici