Le Vif
L’économie de l’Allemagne souffre mais garde des atouts
Malgré la récession, l’Allemagne a un faible niveau d’endettement qui lui permettra de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour rebondir.
L’Allemagne joue depuis la fin des années 1950 un rôle moteur en Europe. Ce leadership fut renforcé après la chute du mur de Berlin en 1989 et la réunification, faisant de ce pays européen le plus peuplé (autour de 84 millions d’habitants) et le plus important économiquement (à peu près 28% du PIB européen). L’Allemagne est devenue le colosse de l’Europe en matière d’économie avec une bonne gestion publique: une dette autour de 60%, une croissance soutenue de 1,6% en moyenne avant 2022, un taux de chômage limité entre 5% et 6% et un très large excédent commercial.
Cette réussite, impressionnante pour une économie complètement détruite par la Seconde Guerre mondiale, repose tout d’abord sur une industrie de haut de gamme puissante dans les secteurs de l’automobile, de l’ingénierie mécanique et de la chimie. Bien que l’industrie fasse historiquement partie de la culture allemande, elle a pu continuer à évoluer grâce à une énergie peu coûteuse, extraite dans un premier temps des énormes réserves de charbon de la Ruhr. Après la chute du mur de Berlin, les autorités allemandes ont pu substituer cette énergie polluante par des importations de gaz russe, à des conditions de prix et de quantité tellement avantageuses que l’énergie nucléaire a même pu être abandonnée.
Bien que la compétitivité industrielle repose sur une énergie bon marché, elle a aussi besoin d’un capital humain de bonne qualité et d’une main-d’œuvre pas chère. Le premier objectif est satisfait par un système éducatif de haut niveau valorisant les enseignements universitaire et secondaire technique. Le deuxième pilier repose sur l’apport d’une main-d’œuvre étrangère qui représente désormais cinq millions de travailleurs. Enfin, l’Allemagne a pu éviter presque toutes dépenses militaires de par son statut de pays perdant de la Seconde Guerre mondiale et grâce à la protection américaine via l’Otan.
Cette stratégie si efficace semble néanmoins s’être grippée depuis la crise du Covid. On observe désormais des fermetures d’usines, et l’économie allemande est entrée en récession depuis 2023. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a provoqué un choc énergétique, mortel pour l’industrie. L’Allemagne a soudainement réalisé que son exposition aux importations russes constituait un risque géopolitique majeur. De même, la montée en puissance de la Chine dans les secteurs industriels de haut de gamme (en particulier dans l’automobile) a accru la concurrence sur ce segment. Enfin, le nouvel isolationnisme américain associé au risque russe va obliger l’Europe, mais maintenant aussi l’Allemagne, à accroître ses dépenses militaires directes ou indirectes en soutien aux pays menacés.
Le colosse allemand semble désormais avoir des pieds d’argile comme le confirment les résultats des élections législatives. Ce nouveau constat pourrait avoir des répercussions négatives pour les autres pays européens, d’autant que la France n’est plus en mesure de prendre le relais. Mais, il convient de rester confiant car l’Allemagne par pragmatisme a toujours su transformer les défis économiques en opportunités. Elle conserve toujours des atouts et surtout un faible niveau d’endettement, qui lui permettront de mettre en œuvre les réformes nécessaires pour rebondir.
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