Thierry Fiorilli

C’est beau comme… Maryse Burgot, «fille de paysans» revendiquée

Thierry Fiorilli Journaliste

Dans Loin de chez moi, la grand reporter Maryse Burgot raconte l’ascension sociale qui l’a amenée à parcourir la planète depuis 30 ans.

Maryse Burgot est grand reporter –le terme n’est pas féminisé, jusque dans le sous-titre de ses mémoires, Loin de chez moi (Fayard, 2024, 242 p.) racontant 30 ans de couverture, pour France Télévisions, de guerres, catastrophes naturelles, crises, exils, trafics, révolutions, histoire et histoires, à travers le monde.

Dans un entretien accordé au Vif Weekend le 21 octobre dernier, la journaliste française abordait notamment son ascension sociale qui l’a menée à parcourir la planète: «Il a fallu que j’aille chercher moi-même les livres, la culture. Je viens d’un milieu paysan, pas intellectuel, où on ne s’autorise pas forcément à penser qu’on peut devenir tout ce qu’on rêve d’être. A 20 ans, j’ai quand même décidé de tenter le concours des écoles de journalisme, j’ai travaillé comme une damnée, et j’ai réussi. Je ne m’imaginais pas du tout journaliste de télévision, jusqu’au jour où un professeur m’a dit que j’avais une très mauvaise voix qui ne passerait jamais à l’écran. J’ai décidé de lui prouver le contraire

Le 8 janvier dernier, sur La Première, Maryse Burgot revenait, entre autres, sur la deuxième partie du sous-titre de son livre (après «grand reporter», donc): «et fille de paysans». Pourquoi l’avoir mentionné? «Pour la jeunesse qui peut penser n’être pas née au bon endroit, pour ceux qui ont l’impression de ne pas avoir les codes, pour ceux qui doutent. Parce qu’on peut quand même aller au bout de ses rêves. Moi, je fais un métier extraordinaire malgré le fait que j’ai grandi dans un milieu très rural, très agricole, assez peu argenté, où il n’y avait pas de livres. J’ai dû me battre. Et le fait de ne pas avoir l’assurance des gens bien nés, j’en ai fait une force: comme j’ai toujours l’impression de ne pas savoir assez, je lis, je lis, je lis, je relis.»

Cette trajectoire en dépit de cartes qui n’étaient pas forcément les meilleures, au moment de la distribution, ce «c’est possible malgré tout», ce «qui veut peut», cette victoire sur le déterminisme social, c’est du déjà-vu, lu et entendu.

Dans son dernier ouvrage, Ecrire sa vie (éd. L’Observatoire), la philosophe Marianne Chaillan, démontre que ça reste bien moins fréquent que ce que prétendent la plupart des manuels de développement personnel mais nous sommes entourés d’exemples concrets, de preuves vivantes (personnages publics, collègues, quidams, proches, parents) que les jeux peuvent s’inverser et les courants se remonter. Que les codes sont parfois des prisons. Que même les castes des bien-nés peuvent virer circuits fermés, vaisseaux nécrosés ou sas stérilisés. Que le talent rayonne à la hauteur de l’énergie déployée pour le faire éclore. Que le propre épanouissement vaut plus que le lustre d’un arbre généalogique ou le blason d’un club privé.

En ce sens, Maryse Burgot incarne plus qu’une voix, un visage ou une célébrité. Mère attentionnée et aventurière scrupuleuse, passeuse indépendante de la marche du monde, fière de ses racines, éprise de choses simples, bûcheuse acharnée, allergique aux intrigues et étroitesses d’esprit des bureaux, elle prouve que tout n’est pas forcément toujours joué d’avance. Que des clés se décrochent, comme des lunes et des étoiles, sans nécessairement qu’on nous les tende. Que si l’on peut être grand reporter et fille de paysans, femme et libre, intrépide et responsable, humble et reconnue pour tout ça, ensemble, les raisons de louer les beautés de la nature humaine sont au moins aussi nombreuses que les motifs d’en désespérer.

«Le fait de ne pas avoir l’assurance des gens bien nés, j’en ai fait une force.»

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