Carte blanche
Victime à 19 ans d’une guerre sans nom à Bruxelles
Souleymane est un jeune bruxellois d’origine guinéenne. Avec sa famille, il tente de vivre tranquillement, ce qui n’est pas toujours aisé au quotidien, dans le quartier populaire de Cureghem où il habite, à l’entrée de la commune bruxelloise à majorité socialistes, libéraux et engagés d’Anderlecht, à côté de la gare internationale de Bruxelles-Midi.
Il vit dans cette partie pauvre de la capitale marquée par la désindustrialisation urbaine et historiquement toujours composée sociologiquement par des populations immigrées. Dans les années 1920-1930 par les juifs fuyant l’antisémitisme et la misère de l’Europe de l’Est. Ensuite par des travailleurs venus d’Espagne, du Portugal, d’Italie, du Maroc…, reconstruire la Belgique détruite par la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, par d’autres immigrés, étrangers, apatrides, ouvriers qui se lèvent tôt et travaillent tard, pour transporter les autres salariés vers leurs lieux d’activités professionnelles, en métro, en tram et en bus, ou pour aller dans les bureaux de sociétés privées afin de les nettoyer. Venus du Congo, de Guinée, d’Equateur, d’Afghanistan, de Syrie… De pays de misère où la mort se trouve à tous les coins de rue et de sentier, causée en filigrane par des enjeux géo-économiques que se disputent des multinationales occidentales.
Samedi dernier, Souleymane avait toujours 19 ans. Mais à 21h30, au mauvais moment et au mauvais endroit, à l’entrée du métro Clemenceau de Cureghem, il a été fauché, comme à Kaboul ou à Goma, par une rafale de mitraillette. Il est mort par balles.
Au mauvais moment et au mauvais endroit, à l’entrée du métro Clemenceau de Cureghem, il a été fauché, comme à Kaboul ou à Goma.
C’est un véritable commando qui l’a abattu pour le tuer. Au hasard, pour terroriser tout un quartier. Au nez et à la barbe du système de sécurité belge mis en place par la police locale, le nouveau gouvernement fédéral de Bart De Wever, le patron du parti nationaliste flamand N-VA, et son ministre MR de l’Intérieur qui désormais s’est autoproclamé «Ministre de la Sécurité» (sic), sous la volonté musclée de Georges-Louis Bouchez. Mais à Cureghem, comme dans d’autres quartiers populaires de Bruxelles (Peterbos à Anderlecht, place Bethléem à Saint-Gilles, Bruxelles-Midi…), il n’y a plus de sécurité pour ses habitants.
Souleymane est la victime civile d’une guerre concurrentielle de gangs qui se partagent le marché de la vente illégale de drogue, dans l’ouest de Bruxelles. Des produits stupéfiants pour des clients qui en prennent pour faire la fête, mais surtout pour supporter leur vie professionnelle et/ou personnelle dans notre société sans avenir. Pour survivre dans celle-ci, ils usent et abusent de produits dopant leur existence. Pour se faire une place en or, les dealers d’illusions développent des méthodes terroristes. Le business lucratif, en millions d’euros, est géré, avec l’aide certainement d’un tableur Excel, par de véritables managers d’organisations criminelles qui se développent selon l’offre et la demande. Dans la plus pure tradition du modèle de l’économie capitaliste classique. Grâce à la corruption de nos institutions et des banques blanchisseuses de l’argent de la mort.
Pour se faire une place en or, les dealers d’illusions développent des méthodes terroristes.
Ce vendredi 21 février, Souleymane, qui n’était pas encore un adulte, sera enterré. Une cérémonie religieuse – il était un jeune musulman pratiquant – aura lieu à 13h30 à la mosquée Al Fath, au 21 rue du Chimiste à 1070 Bruxelles.
Soyons là pour soutenir sa famille et ses ami(e)s du quartier et de l’école. Pour mémoriser à jamais son visage. Pour murmurer, en toute conscience, «ni oubli ni excuses». Pour dire avec détermination, tous ensemble: stop à la guerre, ici et maintenant, dans nos quartiers populaires.
De Manuel Abramowicz
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